Voilà un épisode méconnu de l’histoire de PMF, un épisode sur lequel je reviens aujourd’hui à quelque jour du centenaire de mon grand père : en 1956 (certaines sources évoquent 55 ou 54, si quelqu’un a des pistes), le mercenaire-barbouzard Bob Denard et ses sbires tentèrent d’assassiner Pierre Mendès France. C’est Bob Denard qui le raconte dans son ouvrage autobiographique « Corsaire de la République » (Robert Laffont, avril 1998). Il y expose ce qui aurait pu coûter la vie à PMF. Un écho étrange à l’attentat dont De Gaulle sera la cible quelques années plus tard (pour les mêmes raisons et avec le même mode opératoire). Je me dis surtout, en lisant ces quelques lignes, que je n’aurais peut-être jamais connu mon grand-père, si Denard avait réussi son coup…Bob, si tu lis ces quelques lignes, je ne te souhaite pas bonne année.
Lorsque le bruit se répand que Mendès France va venir au Maroc, mes amis décident de l’exécuter. Je devine qu’il ne s’agit plus là de politique, mais de vengeance.Ils veulent faire payer le prix fort à l’homme qui a entériné l’indépendance du Maroc et l’abandon de l’Indochine après Diên Biên Phû. Le plan consiste à le mitrailler en pleine ville sans se soucier des passants.[…] Il est décidé, […] que l'[assassinat] se déroulera dans un quartier peu fréquenté de Rabat, pendant que le président du Conseil se reposera à la Maison de France. Nous serons quatre, Beltran, son beau-frère, un certain Sérou, lieutenant aux Affaires indigènes, et moi, qui servirait de chauffeur.[…] J’ai rendez-vous avec le groupe de tueurs au Café de la Gare de rabat. […] Enfin, à la nuit tombée, Sérou me demande de conduire le groupe à la Maison de France.Je stoppe à quelques mètres de l’imposante bâtisse blanche devant laquelle se tiennent des gardes mobiles. Sérou m’ordonne de rester dans la voiture avec le beau-frère de Beltran et de me tenir prêt à démarrer sitôt qu’il reviendra. Pui il s’éloigne avec Beltran. Les deux hommes réussissent à escalader le mur d’enceinte sans attirer l’attention des gardes. Derrière moi, le beau-frère de Beltran est de plus en plus inquiet. Au bout de quelques minutes, des rafales de mitraillette éclatent. Sérou, le souffle court, s’engouffre dan sla voiture, et, braquant son arme vers d’éventuels poursuivants, m’ordonne de démarrer. – Beltran s’est fait descendre, annonce-t-il lorsque nous nous sommes suffisamment éloignés. Soucieux du sort de mon ami abandonné aux gardes de la Maison de France, je ne pose aucune question sur Mendès France. Après avoir reconduit Sérou et le beau-frère de Beltran, je file à Casablanca. C’est là que, le lendemain matin, je découvre l’issue de notre expédition. C’est un véritable fiasco. Un gendarme a été touché au ventre. Selon les journaux, Beltran aurait reçu une balle dans l’épaule. Quant à notre cible, Pierre Mendès France, il n’était même plus à Rabat. […] – in « Corsaire de la République », Bob Denard, Robert Laffont, avril 1998.
NB : Ce « témoignage » n’est pas celui d’un historien. À lire avec précaution donc.