Ghosts in the Net ?

JM Emy 2004Tout anthropologue qui se respecte vous le dira : une civilisation se révèle à travers ses rites mortuaires. La façon dont nous avons de gérer nos morts marque, sans doute possible, les traits particuliers de nos sociétés humaines.
Il faut toujours garder un oeil sur ces phénomènes, voir où ils s’expriment, sous quelle forme. Le moindre frémissement de leur part et c’est toute la civilisation qui change.
Une chose est certaine aujourd’hui : les rites mortuaires commencent à s’exprimer sur le net. Et pour marginaux qu’ils soient (pour le moment), ces phénomènes sont à prendre au sérieux.

  • Ma première expérience mortuaire sur le net.

Cela fait plusieurs années maintenant que je joue (irrégulièrement) à World of Warcraft (WOW), un monde immersif et permanent dans lequel chaque joueur possède son avatar (j’ai le mien, nommé tristanzoner). Des liens virtuels peuvent s’y tisser entre les individus pour parfois devenir des amitiés ou plus, si affinité. 😉
En mars 2005, j’ai appris que s’y tenaient des « commémorations mortuaires » en l’honneur d’une jeune joueuse chinoise décédée quelques jours auparavant. J’avoue avoir été bluffé par ce qui m’apparaissait être une sorte de funérailles virtuelles… C’était en tout cas, le signe flagrant que le net était en train de modifier nos pratiques mortuaires. Et ça, c’est pas rien.

  • Des cimetières 2.0 ?

Et puis il y a cette expérience dérangeante : celle d’un blog qui récence tous les utilisateurs de MySpace.com… récemment décédés. Passé le malaise de lire une liste nécrologique de jeunes à peine majeurs, le site se révèle être un véritable mémorial dont la nature, il faut bien l’avouer, reste encore ambiguë. Reste que les expériences de ce genre se développent de plus en plus.

  • Quid d’Afterlife ?

Ces phénomènes nous interpellent aujourd’hui, tout en restant quelque part, un peu tabous. N’avez-vous jamais pensé à ce que deviendraient vos témoignages online lorsque vous disparaîtrez ? Qui y aurait accès ? Comment seront gérées vos traces numériques après votre mort ?
Nous ne sommes pas nombreux à nous poser ces questions. Si AOL propose un suivi post mortem de vos données et Hotmail offre aux proches du défunt un cd de ses traces numériques, Yahoo pour sa part, couperait purement et simplement le compte du décédé et ne transmettrait ses données que sur décision de justice (via HowToWeb.com).
Bref, c’est le foutoir. Pas de règles. Le phénomène est trop récent. Et pourtant. Ces restes mortuaires, même virtuels, sont des traces dignes d’être respectées au même titre que n’importent quelles traces écrites.
En attendant, les utilisateurs du net s’emparent librement des symboles mortuaires et développent, sans le savoir le plus souvent, les rituels de demain.

  • Des e-ghosts de plus en plus nombreux ?

Quel pourcentage de blogs, de sites, présents aujourd’hui sur le net sont le fait de personnes aujourd’hui décédés ? Je ne sais pas. Par contre je suis convaincu que ces contenus fantomes formeront très vite un cortège important auquel on devra bien porter une attention particulière. La toile est de plus en plus hantée par des fantômes numériques sans statut ni considération.
En écrivant ces lignes que je réalise, tout d’un coup, que j’alimente probablement, ici-même, mon futur e-ghost… 0_o
Et tant que j’y suis, j’ai déjà trouvé le ghost de mon blog ! 😉

Intervention au Forum Mondial e-Démocratie sur l'usurpation numérique

« De l’e-Administration à l’e-Démocratie ? ». C’est avec cette question que s’ouvrait le Forum Mondial de l’e-Démocratie qui se tenait au Palais des Arts et des Congrès d’Issy aujourd’hui. Plusieurs tables rondes étaient organisées autour de sujets touchant à la démocratie et l’Internet. Et notamment un plateau auquel j’ai participé sur la gestion de l’identité à l’heure du numérique. Sujet sur lequel j’avais travaillé lors de la rédaction, comme assistant parlementaire, d’une proposition de loi sur la pénalisation de l’usurpation de l’identité numérique.

L'usurpation d'identité bientôt devant le parlement français ?

Le Sénat américain se penche aujourd’hui sur le problème central du vol d’identité sur l’Internet (phishing et autres). La question que se posent les parlementaires américains est de savoir s’il faut ou non légiférer sur la question. Les milieux cybers américains (notamment la revue Wired) eux, sont catégoriques : il faut protéger l’internaute contre ce nouveau fléau (50 milliards de dollars volés l’an dernier, 10 millions de victimes) avant que les proportions déjà immenses ne deviennent faramineuses.
En France, le code pénal ne connait pas d’infraction liée à l’usurpation d’identité électronique. Certains juristes ont pourtant récemment tiré le signal d’alarme, à l’instar du spécialiste en droit numérique, maître Olivier Itéanu dans Le Monde. Le Sénat français n’est pas en reste, puisqu’il devrait aussi se pencher sur cette question dans les prochaines semaines (j’y travaille pour un sénateur). D’autres précisions très bientôt sur ce blog.