Ça fait des années que je passe devant s’en m’être véritablement jamais interrogé. C’est quoi ce faux-texte en latin qu’on trouve sur tous les modèles de blog, de site ou de traitement de texte en guise de remplissage ? [Si vous connaissez déjà, passez au paragraphe suivant]. Ce faux-texte de remplissage qu’on croise si souvent sur le net et qui commence invariablement par Lorem ipsum…, provient en fait d’une sorte de mash-up improbable d’un passage de l’ouvrage de Cicéron : De Finibus Bonurum et Malorum – « Des Suprêmes Biens et des Suprêmes Maux », un traité sur la théorie de l’éthique* écrit en 45 avant notre ère. [Source]. Le wikipedia anglo-saxon précise que ce collage fut créé dans sa forme actuelle par l’entreprise Aldus Corporation, inventeur de Aldus PageMaker pour Apple, dans les années 80. La directrice artistique d’Aldus, Laura Perry, commença à utiliser des extraits du traité en latin pour remplir les pages vides des modèles du programme. Ça, c’est pour l’histoire.
Ce qui m’intéresse avec ce faux-texte, c’est sa nature. A priori, on n’est pas censé le lire, mais plutôt le contempler. On est invité à une sorte d’expérience lettriste – le lettrisme est ce mouvement surréaliste artistique d’après-guerre mené par Isidore Isou et qui proposait de percevoir les lettres de l’alphabet comme des motifs artistiques. Dans un même ordre d’idée, le faux-texte du Lorem ipsum n’est là que pour orner la mise en page, la mettre en valeur. On dirait : « pour faire joli ». Ce texte a donc, du moins dans sa fonction première, quelque chose à voir avec le beau avant même de porter le sens des mots qui le composent.
Il arrive toutefois, ce fut mon cas, qu’on s’interroge sur la signification du texte de remplissage en oubliant son aspect fonctionnel. Pas que cela ait un intérêt intergalactique. Une simple curiosité qui m’amène à cette suggestion : et si à la place du Lorem ipsum, on choisissait un texte qu’une majorité de gens pourraient lire et qui aurait un sens. Je ne sais pas moi, les premiers articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme par exemple. En version « localisée » pour être lisible de tous. En moins ambitieux, on pourrait lancer un concours de faux-texte dont le gagnant accepterait de mettre son texte en copyleft.
Et vous quel texte verriez-vous à la place du Lorem ipsum ?
* Le texte commence avec ceci : « Neque porro quisquam est qui dolorem ipsum quia dolor sit amet, consectetur, adipisci velit… » (« Il n’existe personne qui aime la souffrance pour elle-même, ni qui la recherche ni qui la veuille pour ce qu’elle est… »). [Source].
NB : j’ai bien conscience que le propre du Lorem ipsum est d’être illisible pour la plupart des gens de façon à ne pas perturber la vision d’ensemble du modèle. Mais je trouve quand même l’idée marrante.