Interview sur une série antisémite diffusée sur Noos

Interview sur une série antisémite diffusée sur Noss
Date de Création: 24 Jan, 2003, 01:38 PM

Entretien avec Tristan MENDES-FRANCE.
Propos recueillis par Didier Pasamonik, le 24 janvier 2003 pout e-tvdata.com

Il semble qu’un article que vous avez écrit dans Le Figaro récemment suscite pas mal de remous. Pour quelle raison ?
– J’ai publié un article dénonçant le fait que le câblo-opérateur. Noos diffusait sur une des chaînes de son bouquet un téléfilm à caractère antisémite. Il s’agit d’une série de fiction en 41 épisodes, « Falis bila Jawad » (« Un cavalier sans monture »), diffusée le 6 novembre dernier, pendant le Ramadan, et qui raconte l’histoire d’un journaliste du début du siècle qui tente de prouver que le faux antisémite Les Protocoles des Sages de Sion n’est pas un livre fabriqué mais un texte authentique. L’acteur et réalisateur à l’origine de ce film, Mohammed Sohbi, est assez célèbre en Egypte et la série est produite par la deuxième chaîne nationale égyptienne. Sohbi pense que c’est un acte de salubrité publique que d’adapter ce livre parce, selon lui, dix-neuf des vingt-quatre protocoles dont il s’inspire seraient vrais. Il s’est exprimé à la télévision à ce sujet.

Que sont exactement ces « Protocoles » ?
– C’est un texte, un faux antisémite, sur titré « programme juif de conquête du monde », qui date du début du vingtième siècle fabriqué par la police tsariste et qui est supposé rendre compte de vingt-quatre réunions secrètes entre de puissants rabbins pour s’emparer du monde, rien que cela. On sait depuis 1921, suite à une enquête du Times, que c’est un faux. Depuis, l’imposante somme de Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion aux édiitons Berg International a largement vidé la question. Il a montré que de nombreux passages ont été plagiés sur un texte plus ancien et a même retrouvé l’auteur du faux, l’écrivain qui en est à l’origine, le très douteux Mathieu Golovinski, qui deviendra un notable du nouveau pouvoir communiste. Cet ouvrage a été le livre de chevet d’Alfred Rosenberg et Hitler le cite dans Mein Kampf. C’est le livre de référence traditionnel des antisémites de tout poil. Il a été complètement délégitimé dans les pays occidentaux mais il a trouvé malheureusement un écho favorable d’abord auprès des négationnistes, ensuite auprès de certains milieux musulmans. Pendant la Guerre des Six jours, les officiers égyptiens avaient reçu ce document. A la Foire Internationale du Livre du Caire en 1998, sans doute avant déjà, cet ouvrage était présenté comme une « œuvre ». A la sortie du feuilleton, si j’en crois les dépêches de l’A.F.P., une centaine d’intellectuels égyptiens ont défendu le travail de son réalisateur. C’est devenu un grand débat autour d’une « œuvre nationale ».

En quoi un film en arabe peut-il avoir une large diffusion en France ?
– Le problème, c’est que, en France comme dans toute l’Europe, les populations musulmanes sont férues –et c’est très normal- des émissions en arabe. Ce qui est tout à fait légitime : après tout, la communauté juive regarde bien des émissions en hébreu qui émettent à partir d’Israël. Le problème, c’est que ces programmes délivrent des messages antisémites. De façon plus générale, ce problème révèle un problème beaucoup plus large, post-11 Septembre : tous les grands bouquets numériques avalent un maximum de chaînes. Or, les chaînes venant de pays non démocratiques sont toujours moins chères et faciles à récupérer. Ce qui fait que pour parler de Noos, afin d’augmenter leur abonnement, ils ont ajouté un grand nombre de chaînes dont certaines, il faut bien le dire, viennent de pays qui ne sont pas démocratiques. Après le 11 Septembre, ces chaînes-là, contrôlées par leurs états, deviennent des outils de propagande, ce qui est normal venant de pays antidémocratiques. Elles sont diffusées face à celles de pays démocratiques qui elles ne peuvent pas avoir un discours aussi chargé. Le marketing est donc responsable de la diffusion de chaînes qui sont des outils de propagande, des armes de guerre. Je pose donc la question : si la France est touchée par ces concentrations et subit cette situation, pourquoi pas l’Europe entière ? Cela pose un problème quand il existe, parmi les communautés, des tensions potentielles. Il est souhaitable de ne pas les attiser par des émissions en prime time, cautionnée par une chaîne publique, et une série qui essaye de prouver que les Juifs sont à l’origine de tous les grands cataclysmes de ce monde. Cela dit, l’Europe a une communauté musulmane, particulièrement en France, très éclairée, très intégrée, tout à fait susceptible de résister à ce genre de propos. Mais, comme dans toute communauté, il y a une frange fragile, parce désocialisée, économiquement pas bien intégrée. Et cette frange-là, pourrait y être sensible. On est loin des discours un peu souterrains et marginaux tenus par quelques recteurs de mosquée. Il s’agit ici d’un film grand public dans un registre qui est celui des « Feux de l’Amour ». Il y a une volonté de toucher le grand public qui m’inquiète. On a tous aujourd’hui des responsabilités après le 11 septembre et je pense que, dans le contexte actuel, il est inutile de prendre des risques.

Il semble que dan le monde arabe des voix se sont élevées contre ce programme puisqu’au Maroc, il a été retiré de l’antenne…
– Absolument et c’est tout à l’honneur du gouvernement marocain. En Egypte même, des personnalités importantes ont condamné ce téléfilm en disant que cela décrédibilisait le discours de certains pays arabes que d’appuyer et de se nourrir de ce genre de choses. Malheureusement, j’ai peur que le mal est fait. La série continue à être rediffusée, même si elle a pu être édulcorée. Elle a été achetée par la chaîne El Manar, la chaîne du Hezbollah ou la télévision saoudienne. Le Centre Simon Wiesenthal ainsi que la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, la Ligue française des Droits de l’Homme ont réagi de façon très virulente à ces diffusions auprès du gouvernement égyptien.

Y a t’il une recrudescence de l’antisémitisme en France ?
– Je serais très précautionneux à ce sujet. Il y a une recrudescence dont les origines sont très difficile à évaluer. Le contexte international est un facteur. Evidemment les critiques, souvent légitimes, de la gouvernance d’Israël impliquent des critiques d’Israël. Le peu de précautions langagières de ces critiques amènent parfois leurs auteurs à tenir des propos antisémites. Il y a aussi une particularité française qui est liée à une profonde tradition, en tout cas littéraire, qui constitue un socle doctrinal antisémite historique qui ne demande qu’à se réveiller. Dans le vote du Front National, je doute qu’il y ait beaucoup de philosémites.

Est-ce que crier au loup pour un feuilleton qui touche finalement que peu de personnes, ce n’est pas finalement lui faire de la publicité ?
– Cela se pourrait. Mais à travers cette affaire-là, je voudrais soulever cette question que j’ai évoquée tout à l’heure : quid de la confrontation entre les chaînes d’états autoritaires et les chaînes démocratiques ? La logique de marché des bouquets satellites s’oppose à la logique politique de ces états. Cette question n’est pas résolue.

Un feuilleton antisémite égyptien sur Noos?

Un feuilleton antisémite égyptien sur Noos?
Date de Création: 20 Dec, 2002, 01:34 PM
La série est pitoyable : une image de mauvaise qualité, des acteurs exécrables, le tout baigné dans une mise en scène vulgaire et épaisse. On se demande ce qui a pu faire que des chaînes de télévisions égyptienne, marocaine, saoudienne ou libyenne, aient pu vouloir acquérir les droits du programme « un cavalier sans cheval» . « Faris Bila Jawad » dans le texte, est produit et interprété par un célèbre et néanmoins obscur acteur égyptien Mohammed Sobhi. La série est piteuse, sans intérêt, mais quelque chose a plu. Et ce quelque chose, c’est l’antisémitisme qu’elle véhicule.
Le pitch du programme est simple : une adaptation foireuse des « Protocoles des Sages de Sion » – texte antisémite du début du siècle que l’on sait bidonné et qui révèlerait le plan secret des juifs du monde entier pour soumettre la planète. La presse française (Libération du 5 novembre) et étrangère s’en est émue et a dénoncé à juste titre sa diffusion dans l’espace arabo-musulman en plein Ramadan. Seulement la série n’a pas été déprogrammé. Bien au contraire . Elle est devenue entre-temps une «Oeuvre nationale » (pour ne pas dire Cause), soutenue par une centaine d’intellectuels égyptiens, dont le président du syndicats des acteurs, le président du syndicat des avocats, l’hebdomadaire « Al Ousbouh » ou le journal « Al Hayat »…La propagande anti-juive est grossière mais plus efficace encore que celle provenant d’intégristes marginaux. Essentiellement parce qu’elle est populaire et laisse à imaginer au plus grand nombre que les juifs de l’univers sont assoiffés de sang et d’argent . Mais qu’on se rappelle ce qu’une simple émission de radio, celle des mille collines au Rwanda a pu générer comme haine.
Or, dans son bouquet numérique, le cablo-opérateur français Noos proposait dimanche 15 décembre à 23h sur la chaîne publique égyptienne E.S.C.1 (qu’elle diffuse), un épisode de la série « un cavalier sans cheval ». L’émission attise pourtant la fantasmagorie antisémite, alors même qu’existent de notables tensions entre les communautés en France. Elle est diffusée dans un contexte international brûlant. Noos tient là une lourde responsabilité. Le CSA, j’espère, sera saisi au plus vite, et gageons que dimanche prochain à 23h l’obscurantisme et le rejet de l’autre ne seront plus célébrés dans le paysage audiovisuel français.

Tristan Mendès France
Le Figaro 20 Décembre 2002

Alexis Carrel n'est-il qu'un porc cloné ?

Alexis Carrel n’est-il qu’un porc cloné ?
Date de Création: 26 Apr, 2000, 12:37 PM
La référence n’était pas évidente, elle n’a d’ailleurs pas été relevée. Pourtant toute la presse internationale en a fait sa Une. La nouvelle était, il est vrai, de taille : le 15 mars dernier, l’équipe scientifique du PPL Therapeutics, société écossaise qui avait déjà réussi le tour de force de faire naître en février 1997 la première agnelle clonée – Dolly -, annonçait à grand renfort médiatique, la naissance de cinq cochons clonés, étape essentielle au développement de la xénogreffe (transplantations d’organes d’animaux sur des humains). Où est le problème me direz-vous? Jugez plutôt : voici les noms des cinq nouveau-nés : Millie, Christa, Dotcom, Alexis et Carrel. Pris individuellement, rien à signaler. En revanche la combinaison des deux derniers noms ne fait aucun doute possible, il y a là une référence directe au docteur Alexis Carrel.Mais qui est donc cet Alexis Carrel pour avoir les honneurs d’une telle équipe de scientifiques internationaux ? Prix Nobel de médecine en 1912, le chirurgien et physiologiste Alexis Carrel a été le principal relais idéologique des thèses éliminationnistes de l’hygiénisme allemand et de l’eugénisme stérilisateur américain. Dans son ouvrage publié en 1935, L’homme cet inconnu, il prône une idée qui fera date : l’extermination « au moyen de gaz approprié » de certaines catégories de délinquants et de malades mentaux – doctrine qu’Adolf Hitler appliquera à la lettre dans son sinistre programme « T4 ». Si l’on ajoute à cela qu’il fut un ardent partisan du régime de Vichy et que l’extrême droite, Le Pen en tête, a reconnu en lui le « père spirituel et le fondateur de l’écologie », on est en droit de trouver la référence carrélienne de l’équipe du PPL Therapeutics particulièrement malodorante.

Cet incident est d’autant plus dérangeant qu’il n’est pas le premier cette année. Déjà mi-janvier, le Cercle Marc Bloch dénonçait l’apologie de Carrel faite par le professeur lyonnais Jean-Michel Dubernard à l’occasion de la très médiatique double allogreffe des mains qu’il avait pratiquée avec succès. « Heureux de prolonger les travaux d’Alexis Carrel », avait-il lâché.

Plusieurs membres de la communauté scientifique sont ainsi à l’origine d’une propagande idéologique scandaleuse tendant à la réhabilitation d’un docteur élitiste et raciste. L’audience internationale donnée à cette première médicale ne fait qu’accentuer le malaise dont on peut légitimement être saisi. Il est peut-être temps pour la communauté scientifique de rappeler avec force, surtout lorsqu’on touche à l’avenir génétique de l’homme, qu’Alexis Carrel n’est absolument rien d’autre qu’un porc cloné.

Tristan Mendès France
avril 2000

Les dérives négationnistes du Hezbollah.

Les dérives négationnistes du Hezbollah. Date de Création: 10 Mar, 2000, 12:39 PM

Le Hezbollah pro-iranien n’est désormais plus considéré comme un groupe terroriste. Dont acte. Pourtant, ces dernières années, au moment de sa reconversion et de l’obtention d’une fébrile légitimité, le Hezbollah a contribué à planter une bien mauvaise graine dans le sol pétri de haines du Moyen Orient. Une graine, c’est le négationnisme, qui gangrène les principales capitales de la région. La violence infligée n’est plus un terrorisme physique mais moral, verbal et pourtant indépassable, peut-être plus destructeur encore que la lutte armée. Cette graine a commencé son œuvre il y a quelques années, importée de France par Roger Garaudy qui, on s’en souvient, était triomphalement accueilli en Egypte à la suite de sa condamnation par la XVIIe chambre correctionnelle de Paris, au mois de février 1998. Le livre de l’ancien philosophe communiste converti à l’Islam, « Les Mythes fondateurs de la politique israélienne », soutenait la thèse selon laquelle Israël aurait fabriqué le mythe de la Shoah dans le but d’acquérir une légitimité sur la terre de Palestine.

Le 31 janvier dernier, Mohamed Kheir al-Wadi, éditorialiste au quotidien gouvernemental syrien Tishreen, écrivait : « Le Sionisme a créé le mythe de l’Holocauste pour terroriser le monde intellectuel et politique […] Je pense qu’Israël et les organisations sionistes ont deux objectifs. Le premier est de recevoir plus d’argent de l’Allemagne et des pays occidentaux en compensation du prétendu Holocauste. Le second objectif est de s’appuyer sur le mythe de l’Holocauste pour accuser d’antisémitisme tout opposant au Sionisme et à sa politique expansionniste ». Cette déclaration est loin d’être marginale.

Des dizaines de déclarations similaires ont fleuri ces dernières semaines sur les médias officiels Syriens, Libanais, des Emirats ou du Qatar. Autant de pays visités il y a deux ans par Garaudy. Le site Internet qui soutient officiellement l’ancien philosophe, « Radio Islam », créé par l’opposant marocain Ahmed Rami, est l’un des plus vastes sites négationnistes du Web, hébergeant aussi bien la « Revue d’Histoire Révisionniste » de Robert Faurisson que le site du Hezbollah (www.hesbollah.org). Ahmed Rami est par ailleurs un ami du Hezbollah et des principaux dirigeants iraniens chez qui il était accueilli en grande pompe à plusieurs reprises au cours de ces dernières années. Cet engrenage, loin de favoriser un rapprochement israélo-arabe, tels que le laissaient envisager les accords d’Oslo , attise au contraire les haines et rend tout dialogue laborieux. Hosni Moubarak, en visite au Liban il y a deux semaines, prenait verbalement position en faveur du Hezbollah. Et c’est en Egypte que les thèses négationnistes de Garaudy se sont le plus rapidement développées. La conversion « résistante » du Hezbollah a également permis d’élaborer une rhétorique de victimisation qui identifie l’Etat d’Israël et ses dirigeants au régime nazi. Ainsi, le 28 février dernier, la télévision d’Etat libanaise déclarait qu’Israël partageait avec le nazisme « un même racisme, une même criminalité et, globalement, la même histoire ». Quelques jours plus tôt, le 22 février, dans un même ordre d’idée, on pouvait lire dans le quotidien gouvernemental syrien Al Thawra, sous la plume de l’éditorialiste Muhammed Ali Bouzha : « Israël se révèle une entité pleine de haine et de racisme, qui sponsorise le terrorisme, surpassant même les Nazis et leurs actes criminels par ses meurtres, destructions, dévastations et son dédain à l’égard de l’humanité ».
A l’heure où notre Premier Ministre subie encore les foudres politiciennes de certains arrivistes pour avoir dit une vérité toute simple, proposons à ces détracteurs d’aller sur le site du Hezbollah pour voir ce qui s’y dit réellement, qu’ils visitent le site en regardant attentivement les séquences vidéos dites « d’actions résistantes » où les attentats ont été filmés en direct.

Tristan Mendès France
Michael Prazan
10/3/00

Contre le FPÖ un espoir : la CEDH.

Date de Création: 12 Nov, 1999, 12:32 PM

Voici quelques arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, devenue récemment permanente) qui en révélant toute l’ambiguité de la politique judiciaire autrichienne face au FPÖ (le parti populiste de Jorg Haïder), ouvre la voie à une nouvelle résistance institutionnelle. À plusieurs reprises du milieu des années 80 à nos jours, les juges autrichiens ont condamné pour diffamation tous ceux qui relevaient les accointances du FPÖ avec l’idéologie nazi. Très procéduriers, comme leurs acolytes français du FN-MNR, les meneurs autrichiens d’extrême droite ont systématiquement attaqué en justice et ont toujours obtenu gain de cause devant des juridictions autrichiennes par trop conciliantes. Si ce n’était pour les arrêts de la CEDH, toute réaction citoyenne resterait muselée.
Très instructives, ces quelques affaires le sont à plusieurs titres. Jugez plutôt.

Le 9 octobre 1975, quatre jours après des élections législatives en Autriche, M. Simon Wiesenthal, président du Centre de documentation juive, accusa dans un entretien télévisé M. Friedrich Peter, président du Parti libéral d’Autriche (FPÖ), d’avoir servi pendant la seconde guerre mondiale dans la première brigade d’infanterie des SS, qui avait à plusieurs reprises procédé à des massacres de civils derrière les lignes allemandes en Russie. Le lendemain, M. Bruno Kreisky, chancelier sortant et président du Parti socialiste d’Autriche (SPÖ), fut interrogé à la télévision sur ces accusations. Immédiatement auparavant, il avait rencontré M. Peter à la Chancellerie fédérale. Leur réunion s’inscrivait dans le cadre des consultations habituelles entre chefs de partis en vue de la formation d’un nouveau gouvernement; elle avait éveillé beaucoup d’intérêt dans le public, parce qu’avant les élections du 5 octobre on avait examiné l’éventualité d’un gouvernement de coalition Kreisky-Peter (Nous sommes en 1975, que dire de la position de l’actuel gouvernement autrichien ?). Kreisky soutint avec vigueur M. Peter, qualifiant les activités de M. Wiesenthal de « mafia politique » et de « méthodes de mafia ». Le rédacteur en chef de la revue Profil M. Lingens, décida de publier les informations concernant le passé nazi de M. Peter, et les complaisances du Chancelier à son égard. La sanction ne se fit pas attendre. Il fut attaqué pour diffamation, et condamné par la justice autrichienne à de lourdes amendes. Ayant épuisé tous ses recours juridictionnels, M. Lingens porta l’affaire devant le CEDH qui à la stupéfaction des chroniqueurs, jugea le 24 juin 1986, contraire à l’article 10 de la convention (liberté d’expression), la décision autrichienne.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la Cour européenne eut à connaître d’autres affaires semblables en tout point à la précédente : Le 29 mars 1983, par exemple, pendant la campagne pour les élections parlementaires, une émission de télévision relata certaines déclarations de M. Walter Grabher-Meyer, alors secrétaire général du Parti libéral d’Autriche (FPÖ) et, fait notable, membre de la coalition au pouvoir : il avait suggéré de relever de 50 % les allocations familiales des femmes autrichiennes, et de diminuer de moitié celles versées aux mères immigrées. M. Oberschlick rédacteur en chef de la revue autrichienne Forum, compara alors dans ses colonnes cette proposition du FPÖ au manifeste du NSDAP du 24 février 1920, notamment son article 7 : “ Nous exigeons que l’État s’engage à veiller par priorité aux possibilités d’emploi et aux moyens de subsistance de ses ressortissants ». Encore une fois, les instances judiciaires autrichiennes constataient l’existence d’une diffamation à l’encontre du dirigeant FPÖ. Encore une fois la CEDH rectifiait le tire par son arrêt du 23 mai 1991. Leçon retenue ?

Certainement pas. Le 7 octobre 1990, Jorg Haïder, président du parti libéral autrichien (FPÖ) depuis 1986 et chef du gouvernement du Land de Carinthie, prononça au mont Ulrich à l’occasion d’une « célébration de la paix », un discours à la gloire de la « génération de soldats » qui avaient participé à la seconde guerre mondiale. Il y exprimait l’idée que tous les soldats, y compris ceux de l’armée allemande, avaient combattu pour la paix et la liberté. Un journaliste tenta alors de rapporter ces faits en soulignant le caractère apologétique du discours. M. Haïder porta plainte devant les juridictions de son pays, qui condamnèrent, sans grande surprise, l’impétrant. La CEDH, sept année plus tard, sanctionnera de nouveau une Autriche qui, condamnations après condamnations, semble doucement prendre la mesure de l’image détestable qu’elle donne à la communauté européenne et internationale.

Aujourd’hui, seule la Cour semble avoir les moyens de lutter contre la dérive réactionnaire de l’Autriche. Cette institution gagnerait a être reconnue et ses combats méritent d’être salués. D’ailleurs, si sa condamnation pour diffamation envers Jean-Marie Le Pen est maintenue, Mathieu Lindon peut être certain de trouver chez elle un allié fiable. Après un Oberschlick contre Autriche à quand un Lindon contre France ?

Tristan Mendès France
12nov99