J’étais interviewé ce matin sur la radio suisse romande dans l’émission Medialogues. L’occasion pour moi de revenir sur une vieille idée : être objectif dans la subjectivité.
Explication ici :
Audio 4 mn.
Catégorie : hi tek
Neda : j'ai vu naître une icône
Jamais je n’ai été confronté à une telle situation de toute mon existence.
Jamais je n’aurais cru que les choses iraient aussi vite, aussi loin.
Etre témoin de la naissance d’une icône n’arrive qu’une fois dans une vie.
Retour sur la chronologie.
Tout a commencé le 20 juin au soir, alors que la vidéo de la pauvre Neda tournait déjà sur le réseau, sans son prénom. En voyant la séquence j’ai, comme tout le monde, compris qu’il se passait quelque chose hors du commun.
J’ai très vite trouvé et contacté celui qui avait mis, pour la première fois, la vidéo en ligne sur son compte facebook, Hamed R., video qu’un ami a lui lui avait envoyé.
J’ai expliqué à Hamed qu’il fallait absolument nommer la victime, que c’était crucial. Il a alors interrogé son ami sur place et la toute première mention de Neda fut faite par Hamed en conversation privé avec lui le 20 juin à 23:26.
Information que je relayais aussitôt sur twitter avec cette première mention publique que je publiais à 2:32 PM le 20 juin, heure de Téhéran (puisque je m’y suis localisé), soit 6 minutes après.
J’écrivais ensuite le premier billet mentionnant Neda, le 21/06/2009 à 0:20 [heure de Paris] : Her name was Neda.
Le #neda est apparu peu après sur Twitter.
C’est le Huffingtion Post qui fit la première reprise le 21 juin à 7:57 PM ET.
De là, l’info a inondé la planète en passant par reddit.com, digg.com puis CNN, BBC, Al Jazeera.
NB : à plusieurs reprise Hamed a insisté à ce que je précise qu’on ne doit pas oublier son ami, celui qui a pris le risque de tourner les images. Son nom n’est pas mentionné pour des raisons de sécurité. Je signale donc l’auteur de la vidéo, mais Hamed ne doit pas minorer son rôle. Sans lui, le prénom Neda aurait pu rester à jamais dans l’ombre…
To Hamed : you are a great guy. What you have done in relaying your friends video, gave a chance to Neda to become a world symbol.
Pour finir, je n’ai aucune envie de vous remettre la vidéo de sa mort.
J’aimerais qu’on se souvienne de Neda autrement. J’ai pensé à ça :
Lyrics :
far far, there’s this little girl
she was praying for something to happen to her
everyday she writes words and more words
just to speak out the thoughts that keep floating inside
and she’s strong when the dreams come cos’ they
take her, cover her, they are all over
the reality looks far now, but don’t gohow can you stay outside?
there’s a beautifulness inside
how can you stay outside?
there’s a beautifulness inside
oh oh oh ohfar far, there’s this little girl
she was praying for something good to happen to her
from time to time there’re colors and shapes
dazeling her eyes, tickeling her hands
they invent her a new world with
oil skies and aquarel rivers
but don’t you run away already
please don’t go oh oh […]
NB : je suis totalement hermétique aux critiques du type : « mais ça sert à quoi d’écrire ça ? », « t’as pas mieux à faire ? », « tu crois que ça va changer quelque chose ? » « t’es pas un peu nunuche avec ta chanson ? » – Honnête, je m’en tape.
[MAJ 23 juin] Le célèbre site boingboing a récupéré ce qui semble être une très belle photo de Neda.
Her name was Neda
[english]
I asked Hamed R., who added the video on facebook of the young lady killed yesterday [update: no more accessible] in Iran, where his video came from and what was her name. He explained to me that he received this video from a neighbour in Tehran. And that her name was Neda.
Let’s not forget her.
NB : And here is my first public mention of Neda on Twitter : http://twitter.com/egoblog/statuses/2257562290
Je crois que de toutes les images que j’ai pu voir en provenance d’Iran sur la toile, celles-ci ont été les plus éprouvantes. J’ai été profondément choqué en les visionnant. Une jeune femme qui décède en pleine rue, hier, pour avoir protesté contre le régime. Attention la video est absolument horrible : ici [maj : plus accessible]
Elle a été mise en ligne sur facebook et ailleurs. Mais nulle part son nom ou son prénom. Une autre de ces victimes anonymes qu’on croise sur la toile.
J’ai voulu en savoir plus sur l’origine de la vidéo et surtout je voulais pouvoir nommer la victime. Qu’elle ne soit pas que cette jeune fille morte en direct sur facebook ou youtube.
J’ai donc contacté celui qui a mis la vidéo en ligne sur facebook, Hamed R. Cet iranien est actuellement au Pays-Bas. Il a reçu la terrible vidéo d’une de ses amies qui habite à côté de chez lui à Téhéran. L’auteur de la vidéo a préféré passer par Hamed R. par sécurité et lui a dit que la victime s’appelait Neda.
Neda, on ne t’oubliera pas.
Les méthodes véreuses des pro-Ahmadinejad sur le net
Je peux comprendre que ceux qui sont pour Ahmadinejad l’expriment en ligne et notamment via Twitter, c’est fair game. Mais ce que je trouve lamentable, c’est de mentir ou de tricher pour parvenir à passer son message. Petit florilège, glané ça et là dans l’ahmadinejadosphère.
• Je pense d’abord à ce truquage photo très stalinien visant à gonfler le nombre de supporters d’Ahmadinejad :
Via DailyKos
• Je pense au site pro-Ahmadinejad farsnews.com qui cache dans ses pages des liens d’attaques contre des sites d’opposants. L’outil qu’il utilise est pagereboot.com, qui permet de couler un site en lui envoyant une masse de requêtes. C’est ce que l’on voit en regardant le code source de la page farsenews.com, en capture ici :
Les deux sites d’oppostion (pro-Mousavi) visés sont Balatarin.com et Ghalamnews.com.*
• Enfin, le meilleur, cette crevure de @persian_guy.
Il retweete (recopie) des messages de journalistes occidentaux en leur faisant dire l’inverse de ce qu’il pense. J’ai aussi remarqué en fouillant ses messages, qu’il tentait de se faire passer pour un pro-Mousavi et qu’il invitait à « pagerebooter » des « sites du gov Iranien », qui s’avère être en fait, le site d’opposition Ghalamnews.com, déjà visé par faresnews.com !
Celui qui détient le compte Twitter @Persian_Guy se fait appeler « Ebrahim Ansari », mito comme il est, ce n’est très certainement pas son vrai nom.
Comme quoi, au final, l’autorégulation, ça marche pas trop mal sur le net ! 😉 Et les enflures ne restent pas indéfiniment tapies derrière leur clavier.
C’est le message que j’ai tenté de passer sur RFI hier matin :
Audio RFI
Et Public Sénat l’avant-veille :
* Si farsnews est accessible et que vous le trouvez scandaleux, pagerebootez-le ! 😉 Cliquez sur ce lien ad hoc et gardez ouvert dans votre explorateur.
[audio] Iran et Twitter, interv sur France Inter
J’étais interviewé tout à l’heure dans le journal de la Matinale de France Inter. L’occasion pour moi de revenir sur la mauvaise polémique autour du rôle de Twitter dans les protestations iraniennes. S’il est effectivement difficile de parler d’une révolution faite grâce à Twitter, il serait absurde de passer à côté du caractère exceptionnel du relais que permet cet outil social (sans oublier les autres !).
Je trouve également étonnant qu’on ne parle pas plus du phénomène téléphone-mobile vidéo. Ces mouvements sont filmés (comme rarement) et relayés via Twitter.
Enfin, à ceux qui disent que le net iranien est trop faible pour avoir un poids, c’est ne pas comprendre qu’il suffit d’un seul militant pour informer la planète.
AUDIO. 2mn.