Tribune dans LE MONDE sur le décès d'Arafat

Tribune dans LE MONDE sur le décès d’Arafat 
Date de Création: 26 Nov, 2004, 10:14 PM

Un vieux mythe antisémite, par Tristan Mendès France  

LE MONDE | 25.11.04 | Qu’il en soit porteur, qu’il le répande ou l’inocule, le juif entretient depuis toujours des relations mystérieuses avec la maladie, l’épidémie ou le poison. Cet amalgame, ce fantasme, revêt en réalité, et depuis fort longtemps, la forme d’un véritable mythe antijuif. Pour s’en convaincre il suffit de revenir sur la longue liste, non exhaustive, des accusations portées contre ces derniers dès le début du Moyen Age. Souillure des hosties à l’époque de l’Inquisition ; légende du Juif errant traînant derrière lui épidémies et calamités ; puits empoisonnés durant la Grande Peste noire au XIVe siècle ; Protocole des sages de Sion, texte apocryphe de 1900 dont le 10e chapitre rapporte la volonté des juifs de répandre des épidémies sur le monde ; épisode de la « maladie n°9 », « infection juive » à Paris en 1920 ; typhus du ghetto de Varsovie en 1940 ; « complot des docteurs juifs » de Staline en 1956 ou « scandale du chewing-gum empoisonné » par le Mossad en Egypte en 2002… : nul ne peut nier aujourd’hui combien la combinaison juif/poison a été et reste encore un puissant catalyseur de la haine du juif, de l’antijudaïsme chrétien à l’antisémitisme contemporain. Et puis on en vient tout naturellement à s’interroger. Sur la crédulité de certains et notamment de ceux qui portent très haut l’idée d’un complot juif contre Arafat aujourd’hui. Cette polémique post mortem laisse une profonde impression de malaise.Les faits semblaient pourtant clairs. Arafat était âgé, il est décédé. Si un chef d’Etat ou un leader politique était mort sur le sol français des suites d’un empoisonnement, comment imaginer une seule seconde que les autorités françaises n’aient pas engagé une procédure judiciaire ? Si elles ne l’ont pas fait, c’est simplement qu’il n’y avait pas lieu de le faire.Reste que certains veulent croire à l’assassinat. Pourquoi ? Parce qu’il y a cet ancien mythe antijuif qui leur fait les yeux doux. Et la tentation est forte, très forte. Après la perte d’un homme politique qui incarnait leur cohésion identitaire, ces adeptes de la conspiration retrouvent ici leur force derrière un ennemi invisible : les services secrets israéliens. Cette idée, que rien ne semble pouvoir arrêter, est si puissante que personne, sauf suicidaire, n’imagine aller dans les rues de Gaza pour expliquer : « Non, Arafat n’a pas été assassiné. Il avait une cirrhose… »Les autorités palestiniennes et leurs représentants semblent de plus en plus perméables à ce doute de circonstance, voire se complaire dans l’expression d’un doute providentiel, qui, si souvent, a nourri l’argumentaire négationniste… Difficile de ne pas lire derrière « l’opinion de la rue arabe » la réactivation du mythe millénaire du juif empoisonneur, mythe dangereux parce qu’essentiellement antisémite.
Tristan Mendès France est assistant parlementaire, essayiste.

•ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 26.11.04  

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Date de Création: 03 Jan, 2004, 10:02 PM
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MAJ : Projet abandonné en 2005.

Exigeons l’extradition du tortionnaire argentin Astiz !

Exigons l’extradition du tortionnaire argentin Astiz !
Date de Création: 26 Jul, 2003, 01:39 PM
Le président argentin Kirchner, nouvellement élu après la scandaleuse défection du populiste Menem, laisse augurer un changement de politique judiciaire comme l’on n’en avait jamais vu en Argentine depuis les affres de la dictature de 1976. Car, il faut bien le dire, depuis l’adoption des lois d’amnistie données en cadeau aux pires tortionnaires de l’armée en 1986-87 par Menem, la situation était bloquée. Sont restés en poste la plupart des criminels militaires de l’ancien régime et impunis les pires crimes de la dictature.Mais le vent semble tourner. Le président Kirchner a dans un premier temps annulé un décret qui empêchait toutes extraditions, et annonce sa volonté d’abroger les lois d’amnistie. Le signal fut donné par le célèbre juge espagnol Baltazar Garzon, qui obtint le 30 juin dernier, après des années de procédures, l’extradition en Espagne d’un bourreau argentin, Ricardo Cavallo, en fuite au Mexique. Le gouvernement argentin ne s’est pas opposé à l’extradition et c’est une première. D’autant que les chefs d’inculpation reposaient sur une accusation de génocide. Ne pas s’opposer à cette qualification, c’était reconnaître le caractère génocidaire du régime de la junte. Une étape supplémentaire reste cependant à franchir et c’est pour bientôt. L’extradition d’un des complices de Cavallo, Alfredo Astiz, dit « Gueule d’ange » ou « l’ange exterminateur ». Ce dernier vient d’être arrêter le 25 juin… Depuis la dictature, jamais le gouvernement argentin n’a accepté de juger cet homme, qui pourtant, a tout avoué à la presse argentine – fier de ses actes et prêt à recommencer. Astiz fut condamnée pour certaines de ces atrocités, en France notamment en 1990 suite à l’assassinat de deux religieuses françaises. Mais la justice a du trancher en son absence, Astiz n’ayant même pas pris la peine de se faire représenter par un avocat à Paris. Il a été condamné à vie par contumace et la France attend toujours son extradition. Eh bien il est temps pour le ministère des affaires étrangères français de profiter de cette fenêtre diplomatique pour, à l’instar de l’Espagne, demander de l’Argentine, qu’enfin elle livre le tortionnaire Astiz à la justice française.
Son cas est un symbole fort et dangereux. Fort parce qu’il représente à lui seul un corps d’armée particulièrement sanguinaire durant la dictature : la Marine ; dangereux pour les mêmes raisons, la Marine acceptera mal (comme elle l’a déjà dit en 2002) qu’on touche à Astiz. Toucher à lui, s’est s’attaquer à tout l’édifice militaire.
Reste que tous les indicateurs sont aux verts. Tout indique que l’Argentine est prête à accueillir favorablement cette demande. Une perspective grisante qui ouvre la voie à une véritable révolution judiciaire dans le cône sud-américains.
Il est aujourd’hui impératif que la communauté internationale soutienne le nouveau gouvernement argentin dans sa volonté de faire face aux démons du passé pour qu’enfin l’Argentine puisse aller de l’avant.Tristan Mendès France