Un feuilleton antisémite égyptien sur Noos?

Un feuilleton antisémite égyptien sur Noos?
Date de Création: 20 Dec, 2002, 01:34 PM
La série est pitoyable : une image de mauvaise qualité, des acteurs exécrables, le tout baigné dans une mise en scène vulgaire et épaisse. On se demande ce qui a pu faire que des chaînes de télévisions égyptienne, marocaine, saoudienne ou libyenne, aient pu vouloir acquérir les droits du programme « un cavalier sans cheval» . « Faris Bila Jawad » dans le texte, est produit et interprété par un célèbre et néanmoins obscur acteur égyptien Mohammed Sobhi. La série est piteuse, sans intérêt, mais quelque chose a plu. Et ce quelque chose, c’est l’antisémitisme qu’elle véhicule.
Le pitch du programme est simple : une adaptation foireuse des « Protocoles des Sages de Sion » – texte antisémite du début du siècle que l’on sait bidonné et qui révèlerait le plan secret des juifs du monde entier pour soumettre la planète. La presse française (Libération du 5 novembre) et étrangère s’en est émue et a dénoncé à juste titre sa diffusion dans l’espace arabo-musulman en plein Ramadan. Seulement la série n’a pas été déprogrammé. Bien au contraire . Elle est devenue entre-temps une «Oeuvre nationale » (pour ne pas dire Cause), soutenue par une centaine d’intellectuels égyptiens, dont le président du syndicats des acteurs, le président du syndicat des avocats, l’hebdomadaire « Al Ousbouh » ou le journal « Al Hayat »…La propagande anti-juive est grossière mais plus efficace encore que celle provenant d’intégristes marginaux. Essentiellement parce qu’elle est populaire et laisse à imaginer au plus grand nombre que les juifs de l’univers sont assoiffés de sang et d’argent . Mais qu’on se rappelle ce qu’une simple émission de radio, celle des mille collines au Rwanda a pu générer comme haine.
Or, dans son bouquet numérique, le cablo-opérateur français Noos proposait dimanche 15 décembre à 23h sur la chaîne publique égyptienne E.S.C.1 (qu’elle diffuse), un épisode de la série « un cavalier sans cheval ». L’émission attise pourtant la fantasmagorie antisémite, alors même qu’existent de notables tensions entre les communautés en France. Elle est diffusée dans un contexte international brûlant. Noos tient là une lourde responsabilité. Le CSA, j’espère, sera saisi au plus vite, et gageons que dimanche prochain à 23h l’obscurantisme et le rejet de l’autre ne seront plus célébrés dans le paysage audiovisuel français.

Tristan Mendès France
Le Figaro 20 Décembre 2002

Alexis Carrel n'est-il qu'un porc cloné ?

Alexis Carrel n’est-il qu’un porc cloné ?
Date de Création: 26 Apr, 2000, 12:37 PM
La référence n’était pas évidente, elle n’a d’ailleurs pas été relevée. Pourtant toute la presse internationale en a fait sa Une. La nouvelle était, il est vrai, de taille : le 15 mars dernier, l’équipe scientifique du PPL Therapeutics, société écossaise qui avait déjà réussi le tour de force de faire naître en février 1997 la première agnelle clonée – Dolly -, annonçait à grand renfort médiatique, la naissance de cinq cochons clonés, étape essentielle au développement de la xénogreffe (transplantations d’organes d’animaux sur des humains). Où est le problème me direz-vous? Jugez plutôt : voici les noms des cinq nouveau-nés : Millie, Christa, Dotcom, Alexis et Carrel. Pris individuellement, rien à signaler. En revanche la combinaison des deux derniers noms ne fait aucun doute possible, il y a là une référence directe au docteur Alexis Carrel.Mais qui est donc cet Alexis Carrel pour avoir les honneurs d’une telle équipe de scientifiques internationaux ? Prix Nobel de médecine en 1912, le chirurgien et physiologiste Alexis Carrel a été le principal relais idéologique des thèses éliminationnistes de l’hygiénisme allemand et de l’eugénisme stérilisateur américain. Dans son ouvrage publié en 1935, L’homme cet inconnu, il prône une idée qui fera date : l’extermination « au moyen de gaz approprié » de certaines catégories de délinquants et de malades mentaux – doctrine qu’Adolf Hitler appliquera à la lettre dans son sinistre programme « T4 ». Si l’on ajoute à cela qu’il fut un ardent partisan du régime de Vichy et que l’extrême droite, Le Pen en tête, a reconnu en lui le « père spirituel et le fondateur de l’écologie », on est en droit de trouver la référence carrélienne de l’équipe du PPL Therapeutics particulièrement malodorante.

Cet incident est d’autant plus dérangeant qu’il n’est pas le premier cette année. Déjà mi-janvier, le Cercle Marc Bloch dénonçait l’apologie de Carrel faite par le professeur lyonnais Jean-Michel Dubernard à l’occasion de la très médiatique double allogreffe des mains qu’il avait pratiquée avec succès. « Heureux de prolonger les travaux d’Alexis Carrel », avait-il lâché.

Plusieurs membres de la communauté scientifique sont ainsi à l’origine d’une propagande idéologique scandaleuse tendant à la réhabilitation d’un docteur élitiste et raciste. L’audience internationale donnée à cette première médicale ne fait qu’accentuer le malaise dont on peut légitimement être saisi. Il est peut-être temps pour la communauté scientifique de rappeler avec force, surtout lorsqu’on touche à l’avenir génétique de l’homme, qu’Alexis Carrel n’est absolument rien d’autre qu’un porc cloné.

Tristan Mendès France
avril 2000

Les dérives négationnistes du Hezbollah.

Les dérives négationnistes du Hezbollah. Date de Création: 10 Mar, 2000, 12:39 PM

Le Hezbollah pro-iranien n’est désormais plus considéré comme un groupe terroriste. Dont acte. Pourtant, ces dernières années, au moment de sa reconversion et de l’obtention d’une fébrile légitimité, le Hezbollah a contribué à planter une bien mauvaise graine dans le sol pétri de haines du Moyen Orient. Une graine, c’est le négationnisme, qui gangrène les principales capitales de la région. La violence infligée n’est plus un terrorisme physique mais moral, verbal et pourtant indépassable, peut-être plus destructeur encore que la lutte armée. Cette graine a commencé son œuvre il y a quelques années, importée de France par Roger Garaudy qui, on s’en souvient, était triomphalement accueilli en Egypte à la suite de sa condamnation par la XVIIe chambre correctionnelle de Paris, au mois de février 1998. Le livre de l’ancien philosophe communiste converti à l’Islam, « Les Mythes fondateurs de la politique israélienne », soutenait la thèse selon laquelle Israël aurait fabriqué le mythe de la Shoah dans le but d’acquérir une légitimité sur la terre de Palestine.

Le 31 janvier dernier, Mohamed Kheir al-Wadi, éditorialiste au quotidien gouvernemental syrien Tishreen, écrivait : « Le Sionisme a créé le mythe de l’Holocauste pour terroriser le monde intellectuel et politique […] Je pense qu’Israël et les organisations sionistes ont deux objectifs. Le premier est de recevoir plus d’argent de l’Allemagne et des pays occidentaux en compensation du prétendu Holocauste. Le second objectif est de s’appuyer sur le mythe de l’Holocauste pour accuser d’antisémitisme tout opposant au Sionisme et à sa politique expansionniste ». Cette déclaration est loin d’être marginale.

Des dizaines de déclarations similaires ont fleuri ces dernières semaines sur les médias officiels Syriens, Libanais, des Emirats ou du Qatar. Autant de pays visités il y a deux ans par Garaudy. Le site Internet qui soutient officiellement l’ancien philosophe, « Radio Islam », créé par l’opposant marocain Ahmed Rami, est l’un des plus vastes sites négationnistes du Web, hébergeant aussi bien la « Revue d’Histoire Révisionniste » de Robert Faurisson que le site du Hezbollah (www.hesbollah.org). Ahmed Rami est par ailleurs un ami du Hezbollah et des principaux dirigeants iraniens chez qui il était accueilli en grande pompe à plusieurs reprises au cours de ces dernières années. Cet engrenage, loin de favoriser un rapprochement israélo-arabe, tels que le laissaient envisager les accords d’Oslo , attise au contraire les haines et rend tout dialogue laborieux. Hosni Moubarak, en visite au Liban il y a deux semaines, prenait verbalement position en faveur du Hezbollah. Et c’est en Egypte que les thèses négationnistes de Garaudy se sont le plus rapidement développées. La conversion « résistante » du Hezbollah a également permis d’élaborer une rhétorique de victimisation qui identifie l’Etat d’Israël et ses dirigeants au régime nazi. Ainsi, le 28 février dernier, la télévision d’Etat libanaise déclarait qu’Israël partageait avec le nazisme « un même racisme, une même criminalité et, globalement, la même histoire ». Quelques jours plus tôt, le 22 février, dans un même ordre d’idée, on pouvait lire dans le quotidien gouvernemental syrien Al Thawra, sous la plume de l’éditorialiste Muhammed Ali Bouzha : « Israël se révèle une entité pleine de haine et de racisme, qui sponsorise le terrorisme, surpassant même les Nazis et leurs actes criminels par ses meurtres, destructions, dévastations et son dédain à l’égard de l’humanité ».
A l’heure où notre Premier Ministre subie encore les foudres politiciennes de certains arrivistes pour avoir dit une vérité toute simple, proposons à ces détracteurs d’aller sur le site du Hezbollah pour voir ce qui s’y dit réellement, qu’ils visitent le site en regardant attentivement les séquences vidéos dites « d’actions résistantes » où les attentats ont été filmés en direct.

Tristan Mendès France
Michael Prazan
10/3/00

Emaile-moi à Fleurys. Pour le email en prison

Emaile-moi à Fleurys. Pour le email en prison
Date de Création: 30 Sep, 1999, 12:35 PM
30-9-99
« Les détenus condamnés peuvent écrire à toute personne de leur choix et recevoir des lettres de toute personne », c’est le principe qu’expose l’article D 414 du Code de procédure pénale. À ce principe, comme souvent et surtout quand on s’attache à un lieu de privation de liberté comme la prison, beaucoup d’exceptions.
Outre celles, classiques, interdisant l’envoi et la réception de lettre si la correspondance « paraît compromettre gravement… la sécurité et le bon ordre de l’établissement » (art. D 414 al 2), on note des interdictions liées à la lisibilité des textes communiqués (si la missive n’est pas lisible, elle est « retenue »).
À quoi s’ajoute la possibilité pour le détenu, toujours en théorie, de téléphoner vers l’extérieur ou d’être appelé dans des cas exceptionnels (décès familial…) et toujours sous contrôle (c’est à dire écoute).
Au résultat, une situation de principe qui devrait se traduire par la possibilité de recevoir ou d’émettre des emails. Il n’est plus possible en effet de différencier fondamentalement un coup de téléphone d’un fax, une lettre d’un courrier électronique. C’est la conséquence technologique de ce que les spécialistes appellent le digital meltingpot, ou creuset numérique…Restent malgré tout deux problèmes au email en taule : l’argent d’abord. Peut-on sans être naïf espérer une ligne téléphonique pour chaque prisonnier ? Non bien sûr, mais de plus en plus d’établissements pénitentiaires (notamment en région parisienne) vont se doter d’une connexion Internet d’ici quelques mois. Rien n’empêche dès lors aux familles d’emailer au centre carcéral qui imprime le texte pour le détenu qui à son tour rédige une lettre qui peut être reemailée.
La lisibilité, ensuite. Le email ne va-t-il pas permettre au prisonnier de commettre un cyber hold up ? Encore une fois aucun risque. Le courrier électronique est aussi voir plus contrôlable que la simple missive puisqu’en définitive le transfert des messages passe inévitablement par le filtre des services pénitentiaires.
On peut remarquer au surplus qu’il existe déjà des moyens télématiques de correspondance entre les détenus et leurs proches. Certains établissements se sont dotés d’un service Minitel comprenant une messagerie électronique (3615 Baumettes, par exemple). Or, encore une fois, la différence qui existe entre l’Internet et le Minitel est ténue. À ceci près que le Minitel est cher, très cher pour des familles souvent modestes. On pourrait objecter que ces mêmes familles ont peu de chance de posséder le matériel informatique qui leur permettrait la conversation électronique ; ce serait oublier que certains services associatifs ou institutionnels d’aide aux détenus sont déjà équipés.

Il existe évidemment des problèmes beaucoup plus grave en prison (non remise du règlement interne aux détenus, contrôles externes quasi inexistant…) mais ce petit plus, qui ne coûte rien à l’administration pénitentiaire, moins cher qu’un timbre postal pour les familles et le prisonnier, tend à rappeler que la liberté de communication, quelque soit le médium, est un droit fondamental ; même pour les taulards. Gageons que la rentrée parlementaire qui se penchera sur le délicat dossier de l’administration pénitentiaire sera l’occasion d’insérer un disposition en ce sens.

Tristan Mendès France

Nos élus chez les taulards !

Nos élus chez les taulards ! Date de Création: 23 Jun, 1999, 12:34 PM
Pour que les lieux de privation de liberté soient accessibles à la représentation nationale, inspirons nous des italiens.

Les récentes révélations de l’Observatoire international des prisons rappelle encore une fois que le milieux carcéral français n’est pas à l’abri de graves dérapages. Les incidents de la maison d’arrêt de Beauvais témoignent une nouvelle fois de l’opacité qui règne dès que l’on franchit les grilles de la prison. Comme toujours, on manque d’observateurs externes qui pourraient tirer le signal d’alarme lorsque des irrégularités sont commises par l’administration pénitentiaire. Outre la résolution d’application lointaine et incertaine du Parlement européen du 17 décembre 1998 qui propose de faire en sorte « que les députés européens disposent du droit de visite et d’inspection dans les établissements pénitentiaires », c’est de l’autre coté des Alpes que vient l’initiative la plus aboutie. Depuis près d’un quart de siècle maintenant, la législation italienne prévoit la possibilité aux parlementaires, conseillers régionaux, membres de la Cour constitutionnelle ou du conseil supérieur de la magistrature, de pénétrer dans n’importe quelle prison du territoire national, à n’importe quelle heure et sans autorisation préalable. L’article 67 de la loi pénitentiaire italienne du 26 juillet 1975 favorise ainsi l’accès du milieux carcéral à la représentation nationale. Une longue tradition qui fait de l’Italie un pays pionnier dans la défense des condamnés. Mario Vaudano, président de la Cour d’appel de surveillance de Turin et grand praticien du traitement en incarcération, rapporte que les institutions pénitentiaires sont visités par des représentants nationaux en moyenne au moins une fois par semaine et constate même une légère progression dans la fréquence des visites ces dernières années. On en est malheureusement bien loin aujourd’hui en France, et qui sait ce qui se serait passé à Beauvais si un parlmentaire s’était déplacé ? Le principe reste pourtant que dans tout état de droit qui se respecte, la prison est un lieu relevant de l’espace public, contrôlé par la société civile, elle-même représentée par ses élus. Or, à ce jour, députés et sénateurs français ne peuvent accéder au système carcéral sans autorisation préalable, autant dire sans garantie réelle de pouvoir constater un mauvais traitement. En d’autres termes, la chaîne de contrôle qui va de la société à la prison est brisée et le système pénitentiaire se trouve ainsi déplacé hors du champs de visibilité de la conduite démocratique. Tous les lieux de privations de libertés (garde à vue, zone de rétention, prison, voire ministère de l’intérieur) devraient pouvoir être accessible à nos représentants nationaux de façon à ce que, comme en Italie, aucun angle mort ne puisse obstruer l’observation et le contrôle des lieux d’incarcération. Gageons que notre Garde des sceaux, inspirée par cette belle initiative transalpine, trouvera l’espace nécessaire pour insérer dans son projet de loi portant création de la Commission nationale de déontologie, une telle disposition … à moins que nos élus amendent eux-mêmes le texte dans cette direction.

Tristan Mendès France
(23/6/99)