Préalable : L’accès au contenu du net subit depuis plusieurs années une véritable révolution sourde, quasi invisible, à travers la généralisation des tags (mots-clés). Ces derniers permettent à tout un chacun de retrouver ce qu’il cherche partout sur le réseau. Cette révolution est accentuée par l’essor du web 2 (contenu généré et/ou tagué par les utilisateurs).
Aujourd’hui accéder au net, c’est passer par les tags.
- Cas pratique :
Lorsque vous mettez une vidéo en ligne (sur Youtube ou ailleurs), vous lui associez obligatoirement des tags qui permettront à d’autres de le retrouver. Vos tags sont le point d’accès de vos contenus. L’affectation des tags devient cruciale lorsqu’on veut retrouver une vidéo parmi des centaines de millions d’autres.
Et c’est là que les choses deviennent croustillantes.
- Détournement sémantique.
Normalement, un tag serre à nous aider à trouver un contenu. C’est par lui qu’on y accède. Seulement que se passerait-il si je venais à mettre illégalement en ligne sur Youtube le dernier film de Pixar, en y associant un mot clé complétement arbitraire, genre « 0a872v5635 » ?
Eh bien, ma vidéo, illégalement mise en ligne sur la plateforme, passerait au travers des filtres sémantiques de la modération et resterait disponible en ligne, mais sans être vu. Sans être vu… sauf si j’arrivais à partager discrètement ce tag (le mot-clef « 0a872v5635 ») avec ceux qui souhaitent voir la vidéo.
Ce que je vous décris là, c’est une description simplifiée de ce que font aujourd’hui des milliers de pirates : ils jouent sur un détournement de tag pour diffuser leurs films en douce.
Mais plutôt que de continuer à parler théorie, jugez par vous même.
Ces sites ont été créés par ceux qui connaissent les fameux codes détournés (type « 0a872v5635 »). Ils publient des listes de liens qui renvoient directement aux films illégalement hébergés sur Youtube ou ailleurs.
Vous y trouverez ainsi toutes les séries à jour, tous les films, les dessins animés, documentaires qui viennent de sortir, sans jamais avoir besoin de télécharger quoique ce soit sur votre disque dur. Vous ne vous appropriez pas le contenu, vous restez donc dans une certaine légalité.
Dire que les majors du monde sont encore à se battre contre le piratage classique (peer-to-peer, torrent like), alors qu’une majorité de jeunes internautes sont en train de se gaver ailleurs. 😉
Aujourd’hui, presque toutes les plateformes de partage vidéo sont victimes de ce détournement taxinomique. Et je trouve le phénomène fascinant. Pour le plus grand bonheur des internautes (et pas des majors). En tout cas, un très beau sujet de réflexion pour les sémiologues ?