Lorsqu’on fait des recherches sur le net, le plus souvent, c’est pour y trouver des choses qui viennent conforter nos convictions. C’est un réflexe plutôt naturel. Mais qui peut devenir inquiétant lorsqu’il prend le pas sur le reste. Il ne faut pas perdre de vue que le net ne propose jamais rien. C’est l’internaute qui demande à voir. Et s’il veut des photos du Big Foot, il en verra. S’il veut des preuves qu’on n’est jamais allé sur la Lune, il en aura. Ce que tout un chacun trouve sur le net n’est rien d’autre que ce qu’il est allé y chercher.
Le net peut alors parfois devenir une énorme loupe et déformer l’impression que l’internaute a de la réalité : lorsque je m’intéresse aux groupuscules extrémistes sur le net, il m’arrive d’avoir la sensation qu’ils sont beaucoup plus influents que ce qu’ils sont réellement. Un simple effet d’optique du à l’intérêt que je leur porte ou à la crainte qu’il suscite en moi. Si mon centre d’intérêt avait été le créationnisme ou les théories conspirationnistes, je serais pris dans ce même effet d’optique, avec une sur-représentation de tout ce qui conforte mes convictions, mes préjugés ou mes fantasmes.
Et puis il y a ce nivellement de toutes les paroles sur le net, qui fait qu’un article du New-Scientist vaut celui d’un site créationniste, ou qui fait qu’une enquête du Monde, d’El Pais ou du Frankfurter sur le 11 septembre vaudra celle de n’importe quel vulgaire site conspirationniste. Voir moins. Quand je dis moins, je pense à ce mouvement de défiance qui s’exprime de plus en plus sur le net devant toute parole instituée (l’expert, le prof, le journaliste, le chercheur, nos représentants, les médias). Ce que Pierre Rosanvallon appelle la démocratie du rejet.
Contre cette dérive, je ne vois rien à part l’éducation. On doit apprendre à l’école à lire le net, à s’y documenter, on doit apprendre à chercher, à hiérarchiser l’info qui provient du web. Le risque si on ne fait rien, c’est qu’un jour, alors qu’on pensait se faire une petite balade sympathique sur la toile, on se réveille tout nu, au beau milieu d’un terrain vague bouseux, battu par la pluie et rempli de trolls, le regard torve, en train de meugler leurs insanités dans le froid glacial d’une nuit sans fin. </lyrique>
PS/ Titres de billet auxquels vous avez échappé : « On est ce qu’on search« , « Dis-moi ce que tu search, je te dirais qui tu es », « Les dérives de l’ego-searching« …