Interview négationniste du président iranien dans Der Spiegel ?

sur blog.camera.org/Si je m’en tiens à Iran Focus, le président Ahmadinejad aurait donné cet interview au journal de référence allemand Der Spiegel, fin mai. Ses propos y sont affligeants et clairement négationnistes. Tout comme sa rhétorique qui consiste à mettre en abyme les sujets, sans logique d’espace-temps, noyer la raison dans des jeux de miroirs culpabilisants ou plus prosaïquement à répondre à une question par une autre. Derrière une pseudo-quête de « vérité historique », c’est à une véritable entreprise de négation de la Shoah qu’Ahmadinejad nous invite.

Et c’est inquiétant. Parce que certains sont perméables à son discours.
Chez nous, c’est Dieudo qui s’en fait complaisemment l’écho et on lie sur son site de campagne dieudo.net/2007, qui reproduit l’interview : « Ahmadinejad : le courage fait homme ! ». Propos qu’on retrouve sur le site pro-Dieudo labanlieuesexprime.org, nouveau relais des ogres.org, HS depuis une cyberattaque.

Sur le négationnisme d’inspiration iranienne, je relie avec intérêt ce vieux papier de mars 2000 que j’avais co-écrit sur le sujet : « Les dérives négationnistes du Hezbollah. » À l’époque c’était encore assez marginal. Aujourd’hui, Ahmedinejad las-bas, Dieudo ici, en sont devenu les principaux porte-parole…

vcast/ Un film raciste vendu sur amazon et cdiscount ?

Ca en a tout l’air. Lorsque Laurent Kestel, assistant au Sénat, m’a passé ce dvd, je l’avoue, j’ai été scotché (et c’est long 3h !). Acheté sur cdiscount, trouvé sur amazon.fr, le film – un muet de 1915 – raconte, peu après la Guerre de Sécession aux États-Unis, la renaissance du Ku Klux Klan (1870-80). Le film se veut surtout une véritable réhabilitation du système raciste d’antant. Réalisation : D.W. Griffith – The Birth of a Nation – La Naissance d’une Nation. Film raciste en vente partout.
Premières impressions : videopodcast de 6 mn. (Extraits commentés du dvd)

vcast/ Enquête en Dieudonnie : l'analyse du politologue Jean-Yves Camus (3)

Suite aux récentes polémiques autour de Dieudonné (voir mes précédents posts sur le sujet), je voulais donner un peu de perspective au débat, en interrogeant un politologue, spécialiste des réseaux extrémistes. J’ai pensé à Jean-Yves Camus, qui travaille actuellement à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), pour qu’il nous livre son analyse. Mesuré, il donne son analyse du cas Dieudonné en élargissant la problématique.

Si j’ai voulu revenir sur cette affaire (notamment la liste de juifs publiée, un temps, sur le site des Ogres), c’est aussi parce que j’ai été l’objet, ces derniers jours avec d’autres (Guy Birenbaum, Sylvain Attal, ou les Humains-Associés), d’une charge peu sympathique pour ne pas dire antisémite. Ma démarche est aussi une façon pour moi de répondre calmement à certains exités.

MAJ du 05/04/06. Dans le téléscripteur des Ogres, on peut lire : « Camus est plutot cohérent et raisonnable ici »[31/03_18h58]. Lueur d’éveil ou double discours ? À mon avis c’est la 2ème option : lisez plutôt ceci, surtout le commentaire Ogresque sur le site grioo.com – site que j’ai connu plus amical ici.

Durée 15 mn. (NB : attendre le téléchargement)

Alexis Carrel n'est-il qu'un porc cloné ?

Alexis Carrel n’est-il qu’un porc cloné ?
Date de Création: 26 Apr, 2000, 12:37 PM
La référence n’était pas évidente, elle n’a d’ailleurs pas été relevée. Pourtant toute la presse internationale en a fait sa Une. La nouvelle était, il est vrai, de taille : le 15 mars dernier, l’équipe scientifique du PPL Therapeutics, société écossaise qui avait déjà réussi le tour de force de faire naître en février 1997 la première agnelle clonée – Dolly -, annonçait à grand renfort médiatique, la naissance de cinq cochons clonés, étape essentielle au développement de la xénogreffe (transplantations d’organes d’animaux sur des humains). Où est le problème me direz-vous? Jugez plutôt : voici les noms des cinq nouveau-nés : Millie, Christa, Dotcom, Alexis et Carrel. Pris individuellement, rien à signaler. En revanche la combinaison des deux derniers noms ne fait aucun doute possible, il y a là une référence directe au docteur Alexis Carrel.Mais qui est donc cet Alexis Carrel pour avoir les honneurs d’une telle équipe de scientifiques internationaux ? Prix Nobel de médecine en 1912, le chirurgien et physiologiste Alexis Carrel a été le principal relais idéologique des thèses éliminationnistes de l’hygiénisme allemand et de l’eugénisme stérilisateur américain. Dans son ouvrage publié en 1935, L’homme cet inconnu, il prône une idée qui fera date : l’extermination « au moyen de gaz approprié » de certaines catégories de délinquants et de malades mentaux – doctrine qu’Adolf Hitler appliquera à la lettre dans son sinistre programme « T4 ». Si l’on ajoute à cela qu’il fut un ardent partisan du régime de Vichy et que l’extrême droite, Le Pen en tête, a reconnu en lui le « père spirituel et le fondateur de l’écologie », on est en droit de trouver la référence carrélienne de l’équipe du PPL Therapeutics particulièrement malodorante.

Cet incident est d’autant plus dérangeant qu’il n’est pas le premier cette année. Déjà mi-janvier, le Cercle Marc Bloch dénonçait l’apologie de Carrel faite par le professeur lyonnais Jean-Michel Dubernard à l’occasion de la très médiatique double allogreffe des mains qu’il avait pratiquée avec succès. « Heureux de prolonger les travaux d’Alexis Carrel », avait-il lâché.

Plusieurs membres de la communauté scientifique sont ainsi à l’origine d’une propagande idéologique scandaleuse tendant à la réhabilitation d’un docteur élitiste et raciste. L’audience internationale donnée à cette première médicale ne fait qu’accentuer le malaise dont on peut légitimement être saisi. Il est peut-être temps pour la communauté scientifique de rappeler avec force, surtout lorsqu’on touche à l’avenir génétique de l’homme, qu’Alexis Carrel n’est absolument rien d’autre qu’un porc cloné.

Tristan Mendès France
avril 2000

Pour une réhabilitation de la « pensée unique »

Pour une réhabilitation de la « pensée unique »
Date de Création: 10 Aug, 1998, 01:00 PM

Cela fait maintenant quelques années que le terme de  » pensée unique  » est sur toutes les lèvres, sans qu’on sache trop précisément de quoi il s’agit. Car aussi absurde que cela puisse paraître, la critique systématique de la  » pensée unique  » voyage allègrement d’un extrême à l’autre, sur les bancs de l’Assemblée nationale ou au bistrot, et il semble bien entendu que, si cette critique et l’utilisation de termes dépréciatifs qui l’accompagne est, semble-t-il, la chose la mieux partagée en France, elle ne peut en aucun cas recouvrir les mêmes réalités. Car comment imaginer que la  » pensée unique  » puisse définir la même chose quand elle est instrumentalisée par un dirigeant de l’UDF qui n’a de foi qu’en le libéralisme; au travers de la rhétorique du FN ou dans la presse de gauche bien pensante ? D’abord, il y a ceux qui – et cela de manière absolument transpartite – s’élèvent contre l’Europe de Maastricht et le pouvoir de la Banque Centrale. Pour ceux-là, du FN au PC,  » pensée unique  » est bien souvent synonyme de  » monnaie unique « . Dans d’autres milieux, elle peut également revêtir les traits d’un néo-poujadisme qui s’insurge contre le pouvoir des élites, et apparaît alors accompagnée du terme  » technocrate  » ou de la sempiternelle stigmatisation de l’ENA, des médias, de la bourse, et du pouvoir politique dans son ensemble. Cette chanson-là, on la connaît bien. La  » pensée unique  » devient ici synonyme  » d’establishment  » et affleure généralement en période de crise. En radicalisant ce discours,  » la pensée unique  » peut laisser entendre qu’il existe en France une espèce de conspiration, de complot occulte qui, de la droite à la gauche parlementaire, et par le truchement des médias, tire les ficelles du monde des élites en imposant son idéologie, une politique unique qui résiste aux alternances électorales. En d’autre temps, cette pensée unique-là s’est appelée tour à tour  » franc maçonnerie « ,  » banques juives « , et en poussant un peu,  » cosmopolitisme  » ou  » mondialisme « . On peut également y voir l’ombre de puissances étrangères (les Etats-Unis, Israël, ou l’Union Européenne) qui dictent leur loi en sous-main. Cette dernière version n’étant qu’une variante de la première, toujours fondée sur une aliénation identitaire aux dérives paranoïaques. Car, ancrée bien souvent à l’extrême droite, cette critique repose sur des laïus inconciliables. Elle s’attaque à une culture prétendument gauchisante, à la fois ressentie comme permissive et autoritaire. Permissive sur le plan social (et en particulier sur l’immigration) mais autoritaire quand il s’agit des lois Pléven et Gayssot; lois qui nous interdisent de proférer des propos racistes ou antisémites. Il s’agit en fait d’une critique voilée de la démocratie et du socle même sur lequel elle s’est érigée, de ce séculaire refus des Droits de l’homme comme fondements de notre morale républicaine.

Dans le monde politique traditionnel, (et également au sein du Parti Socialiste) la  » pensée unique  » ne définit que du flou. Elle ne tend pas à stigmatiser telle ou telle mesure en particulier, mais plutôt une incapacité à réaliser un programme de gouvernement alternatif, une incapacité à engager des réformes courageuses. Discours convenu qui empiète sur les plates-bandes du  » politiquement correct  » mais qui autorise la critique des dirigeants au sein même des partis, qu’ils soient de droite ou de gauche. Avec une telle variété de définitions superposables ou antagonistes, il n’est pas étonnant de voir, par exemple, la presse de gauche récupérer le mot quand cette même presse est pour d’autres l’incarnation suprême de la  » pensée unique « .

En essayant malgré tout de dénouer les fils confus de cette terminologie, de passer outre la multitude d’émetteurs qui s’est attribuée la  » pensée unique « , ce qui émerge en réalité, c’est un refus du consensus, et une difficulté à accepter les réalités imposées par une majorité de français. Dans le terme même de  » pensée unique  » se trouve un discrédit méprisant à l’égard de tout projet commun et la volonté inconsciente de pulvériser ce qui peut rester de lien social. En brandissant comme un étendard perdu la Nation, c’est elle, en vérité, qu’on empêche d’exister. Car derrière chaque cible de la  » pensée unique « , il y a un consensus national que l’on tente de pervertir ou de dévoyer. Le mot même de  » consensus  » est du même coup tombé en disgrâce puisqu’il est toujours affecté de l’adjectif  » mou « . Doit-on rappeler que le traité de Maastricht a été ratifié par référendum ? Est-il par ailleurs aberrant de concevoir une liberté de parole qui ne soit parasitée par ces discours haineux qui ont provoqué le chaos en Europe ? Pour le reste, les différentes tendances politiques ou culturelles de la France ne semblent pas être moins représentées dans la presse ou ailleurs, en proportion égale à leur pouvoir politique, que dans n’importe quel autre pays. Et il ne semble pas non plus si évident, après un bref examen, que la gauche, ce soit la même chose que la droite, même si certains partis politiques ont connu des périodes de turbulences et qu’ils n’ont pas su réagir efficacement devant l’ampleur de la crise, quand ils étaient au pouvoir. Il n’y pas pour autant motif à rejeter confusément le suffrage universel.

Le fait d’être confronté à un consensus ressenti comme inacceptable force naturellement certains à le contourner, notamment par l’utilisation floue et péjorative de cette terrible  » pensée unique « , bouc-émissaire virtuel qui nous condamne à l’échec et derrière lequel il est si confortable de se réfugier en se préservant de regarder de l’avant. Si la  » pensée unique « , c’est en définitive la recherche du consensus par des moyens politiques légitimes et légaux, au lieu de passer son temps à la pourfendre, appelons-là au contraire de nos voeux. C’est peut-être à ce prix que l’on amorcera sereinement le prochain millénaire, à l’image d’une équipe de France bigarrée, rayonnante et championne du monde de football. A moins que la consécration de Zinédine Zidane, héros national d’origine Kabile; cette explosion de joie qui a noyé le temps d’une finale les différences et les rancoeurs, ne soient autre chose qu’une nouvelle émanation de la  » pensée unique « .

Trisatn Mendès France
Michael Prazan
Marianne 10-16 aout 98