On estime aujourd’hui entre 50 et 70 millions, le nombre de blogs dans le monde (voir Le Monde du 6 janv. 06). Dans leur grande majorité, on les retrouve sans grande surprise aux État-Unis et en Europe. Le phénomène se développe néanmoins en Afrique où il offre des espaces de communications inédits. On compte à ce jour, selon Ethan Zuckerman du Berkman Center for Internet and Society de l’Université de Harvard et rapporté par le Sudan Tribune du 16 janvier 06, quelques centaines de blogs dans des pays comme le Nigeria, le Kenya, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud ou l’Égypte.
Ces blogs, contrairement aux nôtres, ont une vocation spécifique. Ils jouent d’abord un rôle politique important et sous-estimé, notamment dans les régions en conflit. On apprend par exemple (toujours selon le Sudan Tribune) que deux chefs de guerre du principal mouvement rebelle du Darfour, l’Armée de Libération du Sudan, qui luttaient pour le contrôle de la rébellion depuis un an, ont, jusqu’ici, réussi à éviter que le sang ne coule en s’affrontant virtuellement sur… leur blog respectif.
On ne compte plus les blogs à partir desquels des opposants ou des rebelles organisent leur communication, ou coordonnent leurs actions.
« L’Internet est une arme de guerre » insiste Aboude Coulibaly, dirigeant les Nouvelles Forces Rebelles de la Côte d’Ivoire. En 2002, il avait organisé une mutinerie pour renverser le gouvernement, grâce notamment au Net. « Dans ces situations révolutionnaires, il faut rester connecté pour gagner » conclut-il.
Il n’est plus rare que certains rebelles du continent noir se présentent comme des « cyber dissidents « . Et lors d’affrontements, le vol des téléphones satellitaires qui permettent l’accès au net, devient stratégique.
De plus en plus de groupes paramilitaires ou d’opposition lancent leurs sites. Les « Mai Mai » de RDC par exemple, connus pour leurs violences et leurs rapts cyber-communiquent ici. Un témoignage rare qui offre une fenêtre ouverte sur les acteurs, leur état d’esprit ou leur propagande.
Les blogs sont aussi un moyen pour les africains d’interpeller directement les Occidentaux. L’an dernier durant le gigantesque Live8 concert for Africa, les blogs furent le relais de contestations. Certains considérant que ce grand raout était inapproprié voir insultant. « Ils se sont retrouvés en train de débattre avec des Nord-américains… Vaut-il mieux une aide comme celle-ci ou lutter contre la corruption… favoriser le développement économique ? » souligne Ethan Zuckerman, « ces conversations sont extrêmement rare entre les continents. Les blogs sont fondamentaux dans cette perspective « .
Reste une certitude, les blogs viennent de rentrer dans la panoplie de ceux qui feront l’Afrique de demain. En attendant que les nôtres en France fassent les élections de 2007…