La politique virtuelle des idéologues négationnistes : vers une Internationale révisionniste

La politique virtuelle des idéologues négationnistes : vers une Internationale révisionniste

Date de Création: 26 Oct, 1998, 12:56 PM

 » Grâce principalement à Internet, le vent tourne en faveur du révisionnisme historique. Pour la première fois depuis vingt  ans, je n’ai plus de procès en cours  » dixit Robert Faurisson, le chantre du négationnisme français. Depuis l’extension du réseau des réseaux ces dernières années en France, la loi Gayssot qui repoussait dans la marginalité les négateurs de crimes contre l’humanité, semble en effet devenir caduque. Les négationnistes profitent aujourd’hui d’une contradiction de nature entre un média transnational (Internet) et une législation qui reste cantonnée aux frontières nationales. C’est dans ce
no-man’s land virtuel et juridique que prospère le révisionnisme. Ces sites, tout en dévoyant le combat pour la  » liberté d’expression  » (1), ont élaboré une stratégie concertée des  » links  » entre militants qui permet d’internationnaliser le discours
(2). (1) La majorité des sites négationnistes s’affiche en premier lieu comme des défenseurs de la liberté d’expression. On retrouve souvent, en front page des sites, soit le médiatique ruban bleu, symbole de la lutte pour la liberté de parole, soit le texte intégral de l’article 19 de la Déclaration internationale des droits de l’homme de 48 stipulant que  » Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression « . Liberté d’opinion qui permet à Bradley R. Smith (voir son site CODOH) ou Ernst Zundel, deux figures légendaires du négationnisme américain, de soutenir inlassablement que les chambres à gaz n’ont jamais existé et que le chiffre de 6 millions de juifs exterminés par les nazis serait un  » mythe « .

(2) Dans un second temps, les négationnistes doivent occuper l’espace médiatique du Net. Ils profitent déjà d’une place privilégiée puisque que le nombre de leurs sites est par trois fois supérieur à celui de leurs détracteurs. Sur-représentés, liés les uns aux autres, ils parviennent à démultiplier leur audience sur le Net, en organisant judicieusement les  » links « . Deux avantages : gonfler artificiellement le volume des  » hits  » (autrement dit, du nombre des personnes qui se connecte sur un
site); et créer des passerelles idéologiques. Ainsi peut-on circuler de Radio Islam (voir carte) à la Fondation Européenne pour le Libre Examen Historique (VHO) en passant par l’Association des Anciens Amateurs de Récits de Guerre et d’Holocauste (AAARGH). Et si ces liens ne sont que virtuels dans un premier temps, ils favorisent à terme un
rapprochement structurel entre les différentes mouvances qui instrumentalisent le négationnisme pour ouvrir la voie à une véritable « Internationale révisionniste ». Enfin, le média internet permet aux groupuscules d’extrême droite ou d’extrême gauche de s’adonner au  » shoah business  » en récoltant des dons, ou par la vente de produits dérivés en tous genres (ouvrages prohibés, revues ou journaux négationnistes etc…).

Tristan Mendès France
Michaël Prazan
Marianne 26 octobre 98

Les conseils en « Shoah business » de Roger Garaudy.

Les conseils en « Shoah business » de Roger Garaudy.

Date de Création: 01 Mar, 1998, 12:52 PM

Roger Garaudy – Profession :  » Shoah businessman « .La condamnation vient de tomber ; Roger Garaudy a été condamné le vendredi 27 février, devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, à verser 120 000 francs d’amende pour la  » contestation de crimes contre l’humanité  » présente dans son ouvrage négationniste les Mythes fondateurs de la politique israélienne, où il dénonce notamment l’instrumentalisation par l’État hébreux du  » mythe  » des 6 millions de juifs massacrés en vue de réparations substantielles, et à terme, d’une domination sur le monde…

Durant le procès, Roger Garaudy justifie cette analyse par ce commentaire: «  Je ne fais pas commerce des os de mes grands-parents, moi ! « . Et il a tout à fait raison. Constatation pragmatique s’il en est : Ça n’est pas un créneau très porteur, du moins sur le terrain pécuniaire. Il en va tout différemment quand on fait du « Shoah business « . La formule est de lui. Et s’il a accusé les parties civiles de s’adonner à ce genre de commerce, c’est en fait lui qui en est le principal architecte, et en l’occurrence, le seul et unique bénéficiaire.

Car le parcours de Garaudy, expert en  » Shoah business « , est à bien des égards exemplaire : Il commence par dénoncer le mythe, instrumentalisé par Israël, des 6 millions de juifs exterminés dans un ouvrage négationniste en s’assurant le soutien de l’abbé Pierre – l’homme le plus populaire de France -. Quand d’autre part il parachève sa conversion à l’islam entamé à grand bruit quelques années plutôt (L’islam étant de ce point de vue assez pratique ; il permet de jouer sur l’ambiguïté du terme sémite, et par conséquent, de se soustraire à tout soupçon d’anti-sémitisme). En professionnel de la communication, il entreprend un lobbying feutré mais non moins actif (de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par les milieux islamistes). Un peu de patience, et les protestations, les indignations se font entendre. Le procès pour  » contestation de crimes contre l’humanité  » pointe son nez. Roger Garaudy n’a plus qu’a se faire représenter par un avocat tant sulfureux que médiatique, Me Vergès pour ne pas le citer, et la résonance de l’affaire est garantie.

 » Raaja  » Garaudy est alors fin prêt pour des voyages somptuaires parsemés de colloques, de conférences ou d’interviews au Qatar, aux Émirats Arabes Unis, en Égypte ou en Jordanie. Il profite de soutiens d’amitié en Iran, au Chili ou même en Inde. Des campagnes de presses (notamment celles du quotidien arabe Al Kaleej) lui rapportent quelques 100 000 $ à quoi il faut ajouter un don de 50 000 $ généreusement alloué par la femme du président émirati. Les ventes de l’ouvrage révisionniste – à l’origine de cette manne -, dynamisées par la 30e Foire internationale du livre du Caire lui assure un pécule confortable. Bientot, Garaudy devient un philosophe de dimension internationale paré de prestigieuses distinctions. Incidemment, Garaudy se fait ériger un site Internet – sorte de produit dérivé – afin d’entretenir la flamme du  » Shoah business « .

Le jugement rendu, c’est le moment de faire le bilan de l’entreprise Garaudy : 100 000 $ + 50 000 $ = 150 000 $ ( soit 900 000 francs). Amende suite à la condamnation : 120 000 francs. Au total une plus value de 780 000 francs, soit 6,5 fois le prix de l’amende. Sans compter que l’obtention de cette plus value précède le rendu de la peine, qui de toute façon est repoussé à de meilleurs jours par l’appel de la décision de justice. Une prise de risque pour ainsi dire quasi-nulle qui ferait pâlir les meilleurs investisseurs financiers. Voici donc, devant nos yeux ébaillis, l’avènement d’un nouvel Eldorado morbide, un  » Shoah business  » dans les regles de l’art, impeccablement géré, rentable, dividendes médiatiques en sus.

Mais comment fait-il ? se demandera-t-on. Quel est son secret ? Y a-t-il une méthode Garaudy ? Laissons à notre expert le soin de résumer son entreprise lucrative dans une formule économique simple et explicite :  » J’ai défié la loi, j’en récolte les fruits « . Une stratégie commerciale sans état d’âme. À méditer…

Tristan Mendès France
Michael Prazan
1er mars 1998.