Docteur la Mort enfin devant la justice ?

Docteur la Mort enfin devant la justice ?
Date de Création: 09 Sep, 2005, 10:19 PM
Je viens d’apprendre du Mail & Guardian sud-africain que le dénommé Wouter Basson alias « Dr la Mort », risque de passer devant la justice. Ce personnage que je suis depuis longtemps, était le responsable d’un programme d’armes chimiques – le Project Coast – ayant pour cible les noirs durant les années 80. Acquitté en 2002 par un juge nommé sous l’apartheid, il a jusqu’à présent réussi à éviter toute condamnation. Wouter Basson reste pourtant l’architecte principal d’un projet véritablement génocidaire…
La Cour Suprême sud-africaine a considéré que le juge n’a pas fait son travail en repoussant les accusations de crime qui pesaient sur lui. C’est peut-être un nouveau chapitre qui s’ouvre. Peut être en saura-t-on plus sur cet inquiétant programme d’armement bio-chimique qui a couté la vie à plusieurs milliers de noirs. Un programme qui visait à stériliser en masse les femmes noires, un programme tenta de mettre sur pied une « bombe ethnique »…Voir mon intervention sur ITV en 2002 lors de son acquittement.
Affaire à suivre…

"Nous sommes tous des juifs noirs" Tribune dans Libé

Nous sommes tous des juifs noirs
Par Emmanuel MAISTRE et Tristan MENDES-FRANCE et Michel TAUBE

Il existe un moyen très simple de clouer le bec à tous les Dieudonné qui essaient de mettre en concurrence les porteurs de mémoires des génocides et autres crimes contre l’humanité. Il suffit de relire l’article 1 du code noir par lequel, en 1685, Louis XIV instaura l’esclavage dans le royaume de France : «Voulons que l’édit du feu Roi de Glorieuse Mémoire […] soit exécuté dans nos îles ; ce faisant, enjoignons à tous nos officiers de chasser de nosdites îles tous les juifs qui y ont établi leur résidence, auxquels, comme aux ennemis déclarés du nom chrétien, nous commandons d’en sortir dans trois mois[…], à peine de confiscation de corps et de biens.»

L’acte même de fondation de l’esclavage intégra donc les juifs dans la communauté des exclus. Ce texte nous apprend ce que savent la majorité des juifs : les victimes des horreurs criminelles de l’Occident furent, sont et seront toujours solidaires par respect mutuel entre elles.

Devons-nous rappeler qu’en 2004, l’une des institutions les plus engagées dans la commémoration du génocide du Rwanda fut le Centre de documentation juive contemporaine ?

Le comportement de l’enragé Dieudonné pose aussi problème par les références qu’il convoque à tout va dans son délire croissant : il nous parle de Luther King alors que celui-ci disait en 1968 « Lorsque les gens critiquent le sionisme, ils veulent dire les juifs. Il s’agit d’antisémitisme ». Il prétend préparer un film sur le code noir ? Compte-t-il censurer l’article 1 dans son travail de réécriture de l’histoire ?

En cette année de commémoration des 60 ans de la libération des camps de la Shoah et de la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous appelons à un redoublement des efforts de partage des mémoires et d’entraide entre les victimes des crimes contre l’humanité dont se rendit complice notre civilisation, et au rejet vigilant des communautaristes.

Nous le disons fièrement : nous sommes tous des juifs noirs ! L’article 1 du code noir nous le rappelle celles et ceux qui, comme Dieudonné, ne se sentent pas cette double attache n’ont rien compris à l’histoire…

Emmanuel Maistre, Tristan Mendès France et Michel Taube, essayistes et dirigeants d’associations. Point de vue publié par le quotidien « Libération », Paris, 23 février 2005.

Le génocide oublié des Héréros de Namibie.

Le génocide oublié des Héréros de Namibie.
Date de Création: 31 Jan, 2005, 04:01 PM
CONTEXTE : Ce papier non publié, rebondit sur la sortie remarquée de l’ouvrage sur les « noirs dans les camps nazis » du journaliste Serge Bilé. L’épisode cité en ouverture est celui du génocide des héréros de 1904. Mr Bilé m’avait interrogé sur cette question parce que suis à la fois proche du chef des Héréros depuis 1998, que je milite avec eux depuis cette date et que j’ai pu organiser une rencontre importante en octobre 2000 à Genève au HCR en vu de la reconnaissance du génocide héréro (en présence du chef héréro que j’avais pu faire venir avec une ONG Survival International- Allemagne). J’apporte ici des éléments complémentaires et tente de replacer cette triste histoire par rapport à la Shoah en évitant la polémique qui semble déjà poindre (On parle trop des juifs, pas assez des noirs etc…).
L’ouvrage de Serge Bilé « Noirs dans les camps  » (1), qui vient de paraître, s’ouvre sur un épisode méconnu de l’histoire des génocides. Dans son livre (qui je l’espère ne sera pas détourné par ceux qui veulent réduire la spécificité de la Shoah) l’auteur rappelle qu’en 1904, l’empire allemand installé dans la région namibienne a procédé à l’extermination systématique d’une population autochtone : les Héréros. Leur tord ? Etre noirs bien sur, vivre sur un terrain commercialement exploitable par les colons allemands, et résister à l’occupant. 80% de la population (80 000 personnes) disparaît dans des camps de concentration ou meurt assoiffée dans le désert de Kalahari. Ca n’est que tout récemment (en 1999) que l’historien allemand Jan-Bart Gewald (2) a exhumé l’acte écrit par lequel le génocide a pris naissance : « Le général des troupes allemandes [en Namibie] envoie cette lettre au peuple Héréro. Les Héréros ne sont dorénavant plus sujets allemands… Tout Héréro aperçu à l’intérieur des frontières allemandes [namibiennes] avec ou sans arme, sera exécuté. Femmes et enfants seront reconduits hors d’ici – ou seront fusillés… Aucun prisonnier mâle ne sera pris. Ils seront fusillés ». Signé : le grand général du tout puissant Kaiser [Guillaume II], lieutenant général Lothar Von Trotha, le 2 octobre 1904.Aujourd’hui les descendants des survivants demandent justice à une Allemagne qui n’entend toujours pas la qualification génocidaire, tout en s’excusant pour les exactions qu’elle a pu commettre. Ayant rencontré le représentant des Héréros, le chief Riruako en octobre 2000, je peux dire combien cette reconnaissance est encore importante à leurs yeux aujourd’hui. À travers elle, c’est toute leur identité qui se joue.

Si la Shoah reste unique et incomparable, certains de ses idéologues ont pu « se faire la main » quarante ans plutôt sur le continent africain. C’est aussi ce que nous apprend l’histoire des Héréros. Pour s’en convaincre il suffit de suivre le parcours d’un homme : Le Dr Eugène Fisher, anthropologue à l’université de Fribourg en Allemagne qui étudia de près les Héréros depuis leur découverte par les colons germaniques en 1870. Fischer fut particulièrement intéressé par les « méfaits » de la mixité raciale induite par les rapports héréros/allemands – résultant le plus souvent de violences sexuelles pratiquées par les occupants. Travaux qu’il poursuivra sur place dans des camps de concentration héréros jusqu’à leur extermination de 1904. Le scientifique racialiste publie conséquemment en 1921 The principles of Human Hereditary and Race Hygien (3) dans lequel il élabore ce que l’idéologie nazie n’allait pas tarder à mettre en pratique sur une tout autre échelle contre les juifs.

Hitler au pouvoir, le docteur Fischer, proche d’Heidegger, est rapidement promu recteur de l’université médicale de Berlin et dès 1934 donne ses premiers cours racialistes aux docteurs SS. Parmi ses étudiants, le criminel contre l’humanité et tristement célèbre docteur Mengele. Eugen Fisher, directeur du prestigieux Kaiser Wilhelm Institute for anthropology de 1927 à 1942, restera jusqu’à sa mort à Fribourg en août 1967, membre d’honneur de la prestigieuse association anthropologique allemande sans que quiconque à ce jour ne s’en émeuve.

Un siècle après la tragédie, le génocide Héréro n’est pas encore entré dans l’Histoire du XXème siècle. Une mémoire qui risque de disparaître avec le temps et dont il reste tant à apprendre pour mieux comprendre.

Tristan Mendès France, journaliste, écrivain.

(1) Ed. Le Serpent à Plume, 2005
(2) Jan-Bart Gewald professeur à l’Institut des études africaines à l’université de Cologne, auteur de Hereros Heroes, 1999, James Currey and Ohio University Press
(3) Eugène Fischer (trad. anglaise) , Macmillan 1931, NY

Un feuilleton antisémite égyptien sur Noos?

Un feuilleton antisémite égyptien sur Noos?
Date de Création: 20 Dec, 2002, 01:34 PM
La série est pitoyable : une image de mauvaise qualité, des acteurs exécrables, le tout baigné dans une mise en scène vulgaire et épaisse. On se demande ce qui a pu faire que des chaînes de télévisions égyptienne, marocaine, saoudienne ou libyenne, aient pu vouloir acquérir les droits du programme « un cavalier sans cheval» . « Faris Bila Jawad » dans le texte, est produit et interprété par un célèbre et néanmoins obscur acteur égyptien Mohammed Sobhi. La série est piteuse, sans intérêt, mais quelque chose a plu. Et ce quelque chose, c’est l’antisémitisme qu’elle véhicule.
Le pitch du programme est simple : une adaptation foireuse des « Protocoles des Sages de Sion » – texte antisémite du début du siècle que l’on sait bidonné et qui révèlerait le plan secret des juifs du monde entier pour soumettre la planète. La presse française (Libération du 5 novembre) et étrangère s’en est émue et a dénoncé à juste titre sa diffusion dans l’espace arabo-musulman en plein Ramadan. Seulement la série n’a pas été déprogrammé. Bien au contraire . Elle est devenue entre-temps une «Oeuvre nationale » (pour ne pas dire Cause), soutenue par une centaine d’intellectuels égyptiens, dont le président du syndicats des acteurs, le président du syndicat des avocats, l’hebdomadaire « Al Ousbouh » ou le journal « Al Hayat »…La propagande anti-juive est grossière mais plus efficace encore que celle provenant d’intégristes marginaux. Essentiellement parce qu’elle est populaire et laisse à imaginer au plus grand nombre que les juifs de l’univers sont assoiffés de sang et d’argent . Mais qu’on se rappelle ce qu’une simple émission de radio, celle des mille collines au Rwanda a pu générer comme haine.
Or, dans son bouquet numérique, le cablo-opérateur français Noos proposait dimanche 15 décembre à 23h sur la chaîne publique égyptienne E.S.C.1 (qu’elle diffuse), un épisode de la série « un cavalier sans cheval ». L’émission attise pourtant la fantasmagorie antisémite, alors même qu’existent de notables tensions entre les communautés en France. Elle est diffusée dans un contexte international brûlant. Noos tient là une lourde responsabilité. Le CSA, j’espère, sera saisi au plus vite, et gageons que dimanche prochain à 23h l’obscurantisme et le rejet de l’autre ne seront plus célébrés dans le paysage audiovisuel français.

Tristan Mendès France
Le Figaro 20 Décembre 2002

Les conseils en « Shoah business » de Roger Garaudy.

Les conseils en « Shoah business » de Roger Garaudy.

Date de Création: 01 Mar, 1998, 12:52 PM

Roger Garaudy – Profession :  » Shoah businessman « .La condamnation vient de tomber ; Roger Garaudy a été condamné le vendredi 27 février, devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, à verser 120 000 francs d’amende pour la  » contestation de crimes contre l’humanité  » présente dans son ouvrage négationniste les Mythes fondateurs de la politique israélienne, où il dénonce notamment l’instrumentalisation par l’État hébreux du  » mythe  » des 6 millions de juifs massacrés en vue de réparations substantielles, et à terme, d’une domination sur le monde…

Durant le procès, Roger Garaudy justifie cette analyse par ce commentaire: «  Je ne fais pas commerce des os de mes grands-parents, moi ! « . Et il a tout à fait raison. Constatation pragmatique s’il en est : Ça n’est pas un créneau très porteur, du moins sur le terrain pécuniaire. Il en va tout différemment quand on fait du « Shoah business « . La formule est de lui. Et s’il a accusé les parties civiles de s’adonner à ce genre de commerce, c’est en fait lui qui en est le principal architecte, et en l’occurrence, le seul et unique bénéficiaire.

Car le parcours de Garaudy, expert en  » Shoah business « , est à bien des égards exemplaire : Il commence par dénoncer le mythe, instrumentalisé par Israël, des 6 millions de juifs exterminés dans un ouvrage négationniste en s’assurant le soutien de l’abbé Pierre – l’homme le plus populaire de France -. Quand d’autre part il parachève sa conversion à l’islam entamé à grand bruit quelques années plutôt (L’islam étant de ce point de vue assez pratique ; il permet de jouer sur l’ambiguïté du terme sémite, et par conséquent, de se soustraire à tout soupçon d’anti-sémitisme). En professionnel de la communication, il entreprend un lobbying feutré mais non moins actif (de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par les milieux islamistes). Un peu de patience, et les protestations, les indignations se font entendre. Le procès pour  » contestation de crimes contre l’humanité  » pointe son nez. Roger Garaudy n’a plus qu’a se faire représenter par un avocat tant sulfureux que médiatique, Me Vergès pour ne pas le citer, et la résonance de l’affaire est garantie.

 » Raaja  » Garaudy est alors fin prêt pour des voyages somptuaires parsemés de colloques, de conférences ou d’interviews au Qatar, aux Émirats Arabes Unis, en Égypte ou en Jordanie. Il profite de soutiens d’amitié en Iran, au Chili ou même en Inde. Des campagnes de presses (notamment celles du quotidien arabe Al Kaleej) lui rapportent quelques 100 000 $ à quoi il faut ajouter un don de 50 000 $ généreusement alloué par la femme du président émirati. Les ventes de l’ouvrage révisionniste – à l’origine de cette manne -, dynamisées par la 30e Foire internationale du livre du Caire lui assure un pécule confortable. Bientot, Garaudy devient un philosophe de dimension internationale paré de prestigieuses distinctions. Incidemment, Garaudy se fait ériger un site Internet – sorte de produit dérivé – afin d’entretenir la flamme du  » Shoah business « .

Le jugement rendu, c’est le moment de faire le bilan de l’entreprise Garaudy : 100 000 $ + 50 000 $ = 150 000 $ ( soit 900 000 francs). Amende suite à la condamnation : 120 000 francs. Au total une plus value de 780 000 francs, soit 6,5 fois le prix de l’amende. Sans compter que l’obtention de cette plus value précède le rendu de la peine, qui de toute façon est repoussé à de meilleurs jours par l’appel de la décision de justice. Une prise de risque pour ainsi dire quasi-nulle qui ferait pâlir les meilleurs investisseurs financiers. Voici donc, devant nos yeux ébaillis, l’avènement d’un nouvel Eldorado morbide, un  » Shoah business  » dans les regles de l’art, impeccablement géré, rentable, dividendes médiatiques en sus.

Mais comment fait-il ? se demandera-t-on. Quel est son secret ? Y a-t-il une méthode Garaudy ? Laissons à notre expert le soin de résumer son entreprise lucrative dans une formule économique simple et explicite :  » J’ai défié la loi, j’en récolte les fruits « . Une stratégie commerciale sans état d’âme. À méditer…

Tristan Mendès France
Michael Prazan
1er mars 1998.