Séismes boursiers et résurgences antisémites

Aux abords des grandes questions de société que soulèvent les récents crash économiques, un phénomène périphérique prend de plus en plus d’empleur. Ainsi, une figure européenne et mythologique est sur le point de renaître dans des lieux jusqu’alors étrangers à ce type de culture.
Cette figure, c’est celle du juif argentier, spéculateur, banquier ou usurier, insatiable manipulateur d’argent dont le népotisme ou les attaches de par le monde le placent au centre d’un vaste complot international.
En Malaisie, où l’antisémitisme n’est pas connu pour être particulièrement virulent (d’autant plus que très peu de juifs y résident) le premier ministre Mohammad Mahatir a récemment déclaré que la chute du ringgit (la monnaie nationale) serait le résultat d’un  » complot juif  » fomenté depuis New York. Habitués au lepénisme ambiant, on ne pouvait s’étonner, en France, de trouver ce type de discours, ancré culturellement, dans la bouche de certains membres du FN, par ces allusions répétées au  » culte du veau d’or  » et autres  » puissances financières occultes « . Mais la Malaisie nous semblait jusqu’alors bien loin d’une telle dialectique. Il faut croire que certaines idées s’exportent facilement, surtout quand elles savent s’inscrire dans la durée. Car la figure antisémite qui associe juif, argent, usure et spéculation financière ne date pas d’hier. Et si elle réapparaît aujourd’hui, c’est que le véritable mythe qui l’a porté, a probablement survécu jusqu’à nous, comme une image d’épinale ou un réflexe pavlovien. On se souvient peut-être de l’une des définitions du Littré qui, sous le mot juif, donnait cette précision  » … quiconque cherche à gagner de l’argent avec âpreté « . C’est ce juif cupide et sans morale qu’on retrouve dans la littérature dela belle époque (de Jules Vernes à Balzac en passant par Zola. Eh oui, même Zola… – voir Gundermann ou Bush dans L’Argent – ) et dont les Rothchild sont les portes drapeaux involontaires. La  » banque juive  » stygmatisée lors du Crash de l’Union Générale, cèdent le pas à la modernité et aux grands espaces économiques pour devenir un  » monothéisme de marché  » soutenu par le  » capital apatride « . Pour le juif qui  » cherche à gagner de l’argent avec âpreté  » tous les moyens sontbons ; notamment celui qui viendrait à initier une crise économique planétaire. Le Protocoles des Sages de Sion est à cet égard exemplaire. Ce chef d’oeuvre de l’antisémitisme moderne, rédigé en 1900 par la police tsariste, matrice de tous les discours conspirationnistes contemporains, met en scène de vrais-faux sages juifs qui se partagent le monde et exposent leurs différents plans de campagne :  » Nous créerons une crise économique universellepar tous les moyens détournés possibles et à l’aide de l’or qui est entre nos mains  » (3ème protocole) et  » [nous injecterons]le poison du libéralisme dans l’organisation des états  » (10 ème). Ce texte, qu’on retrouve de plus en plus souvent sur leNet, gagne en notoriété dans les pays de l’Est en Russie et plus récemment en Asie, jusqu’au Japon. Le dernier ouvrage d’Uno Masami réactualise ainsi le discours des protocoles derrière un titre éloquent:  » Revealing the Evils of Modern Globalism  » (Démasquer les démons de la mondialisation moderne). Les juifs y sont présentés comme les maîtres du capital mondial, manipulant les politiques nationales par le pouvoir de l’argent et des lobby de l’ombre. Et au coeur du Moyen Orient, dans le cadre d’un processus de paix moribond, l’organe officiel de l’Autorité palestinienne  » Al Hyat al Djadida  » accusait il y a peu M. Nétanyahou d’appliquer comme programme politique … le  » Protocole des sages de Sion « .
Si l’on ajoute à cela un calendrier qui fait coincider une actualité sur la restitution des biens juifs spoliés pendant la seconde guerre mondiale, on peut craindre que l’amalgame juif-fric réintègre l’imaginaire collectif et les discours politiques. Une conjoncture peu favorable qui, on l’aura compris, laisse présager la résurgence de vieux réflexes antisémites.

Tristan MENDèS FRANCE Michaël PRAZAN dans Tribune Juive

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